La Galerie bleue, née à Marrakech depuis deux ans, vient de fermer ses portes. Le propriétaire, l’architecte Abdelkader Chekouri, a eu un différend avec le propriétaire de l’immeuble où est installée «la Galerie bleue». «Il y a eu un problème juridique entre les associés», déclare Ghani Chalal, le gérant de l’espace sans donner plus de détails. La fermeture de la galerie a surpris et surtout inquiété les amateurs de l’art au Maroc. «C’était une des galeries les plus renommées de Marrakech», indique Sakina Gharib, la directrice du Musée Dar El Bacha de la cité ocre.
En fait, cette fermeture soulève le problème des galeries d’art à Marrakech, en particulier, et au Maroc en général. Cette ville du Sud est prise comme exemple puisque c’est celle qui regroupe le plus de galeries d’art. Mohamed Benyacoub de la direction des arts au ministère de la Culture évoque le nombre de 15 galeries à Marrakech. Un chiffre impressionnant lorsqu’on fait la comparaison avec d’autres villes, comme Rabat (une seule galerie privée), Fès (1) et même Casablanca (6).
Pour mieux expliquer cette éruption soudaine des galeries à Marrakech, un critique d’art souhaitant garder l’anonymat n’hésite pas à souligner avec humour : «Chaque jour, une galerie ouvre à Marrakech». Mais ce bouillonnement apparent reflète-t-il vraiment la bonne santé du marché de l’art au Maroc. Les avis sont partagés : certains parlent d’effervescence, alors que d’autres affirment que la situation est catastrophique et, qu’en réalité, cette ébullition reste artificielle. «De jeunes mécènes sont friands de la peinture marocaine et surtout des noms les plus célèbres de l’art contemporain au Maroc», déclare Abdelbassit Ben Dahman propriétaire de la galerie «Linéart», fondée en 2007 à Tanger. Cet artiste-peintre a choisi d’exposer les peintres abstraits dans sa galerie. Jusqu’à présent, il dit tenir le coup : «La galerie fonctionne bien actuellement, mais il faudrait que les artistes soient compréhensifs et acceptent de faire des réductions aux clients sur leurs prix exorbitants. Quand les prix sont trop élevés, les gens n’achètent pas », a-t-il ajouté. Dans cette ville, les professionnels dénombrent près de quatre galeries, dont celle de «Delacroix» appartenant à l’Institut français, «Cervantès» de l’Institut espagnol et «Volubilis», située à la Kasbah de Tanger.
Leila Faraoui, propriétaire de l’espace Nadar, qui a réouvert ses portes en décembre 2005, après un arrêt de neuf ans, est de ceux qui portent un regard pessimiste sur la situation de l’art au Maroc : «Cette effervescence, dont on parle, est fausse». Mme Faraoui, qui dit avoir exercé pendant 27 ans le métier de galeriste, estime que certains artistes sont surévalués et que les tarifs appliqués ne correspondent à aucune norme. «Comment se fait-il qu’un peintre que j’ai exposé en 1994, à partir de 4000DH, vend, aujourd’hui, 13 ans après, à 30.000DH». Un point de vue surprenant de la part d’une galeriste supposée soutenir la valorisation de l’art. Elle ajoute aussi qu’augmenter les tarifs que ce soit dans les galeries ou dans les maisons de vente aux enchères n’est pas du tout positif pour la longévité de l’art. Et de préciser que, pour l’instant, son activité n’engrange pas des bénéfices. «Nous dépensons des frais qui peuvent aller jusqu’à 12.000dh par exposition. Mais les bénéfices ne dépassent pas 1000DH», affirme-t-elle.
Mohamed Teharoui, propriétaire de la librairie Galerie « Les Atlassides » parle aussi de facteurs perturbateurs qui empêchent la création d’un véritable marché de l’art au Maroc. Cet ancien secrétaire général de l’association « Essaouira Mogador » avait ouvert cet espace en 2004. Mais, deux ans après, en juin 2006, il s’est vu obligé de tout abandonner. «Je n’ai pas trouvé de professionnels pour gérer cet espace de façon convenable», a t-il expliqué.
Pour Mohamed Tahraoui, le galeriste ne peut mener un véritable travail de promotion de l’art et des artistes que s’il dispose non seulement d’un capital consistant, mais aussi et surtout du soutien inconditionnel des artistes. «L’artiste dit souvent que la galerie ne vend pas ses tableaux et qu’il préfère donc vendre chez lui dans son atelier». M..Tahraoui parle, également, de tous les marchands d’artisanat et d’objets d’art qui appellent leurs boutiques : galeries : «Ils perturbent la situation d’avantage». Pour mettre fin à cette pratique, des professionnels, artistes et critiques d’art confondus, réclament une loi qui régit le secteur. Cette réglementation n’existe pas encore au Maroc. «Il n’y a pas de loi qui interdit aux marchands de tableaux d’exercer si leur espace ne correspond pas aux normes d’une galerie», souligne un représentant du ministère de la Culture.