Connaissons-nous vraiment les différentes expressions des chorégraphies de Gnaoua ? Une question qui vient à l’esprit au moment où Gnaoua Festival tour est initié, sousHaut patronage royal, depuis vendredi à Essaouira avant de poursuivre ses prochaines escales dans différentes villes du Royaume. Il est vrai que la fondatrice du festival, Neila Tazi, et l’association Yerma Gnaoua, font un travail colossal, dont l’édition d’une anthologie, pour mieux faire comprendre cet art, y compris ses chorégraphies ; cependant les artistes rencontrés sur place donnent plus d’explications.
Danser Gnaoua, c’est exprimer sa force
Tel que l’explicite l’artiste Aziz Ozouss, ayant fait une fusion en ouverture du festival avec le maâlem Abdeslam Alikane, «quand il s’agit de Gnaoua, il est question pour un chorégraphe d’exprimer sa force et ses sentiments du moment». Pour lui, cet art patrimonial fait également partie du folklore qui s’apparente au fait de «se préparer à une guerre». Dans ce sens, il compare le saut en l’air dans la transe gnaouie à celui de «Houara» dont les danseurs font de même. «La danse gnaouie est créée avec sa musique. Chanter la musique Gnaoua sans chorégraphie, cela crée un manque», poursuit-il en précisant que les deux sont étroitement liés. Le tout en rappelant que les paroles de Gnaoua ne sont pas assimilées par tous. Comme l’avance cet artiste qui joue notamment du rebab, celles-ci ont des origines africaines mêlées à celles marocaines ou amazighes.
Chaque Gnaoui exprime ses sentiments à sa manière
De son côté, la jeune gnaouie, Hind Ennaira, qui participe pour la première fois au festival, estime que chaque artiste «exprime ses sentiments à sa manière». Dans ce sens, elle donne l’exemple de celui qui danse ou entre en transe. «Parfois, je me sens dans un autre univers en pleine performance», révèle-t-elle. Par la même occasion, elle n’hésite pas à évoquer les origines de cet art initié par «les esclaves qui se rencontraient pendant les moussems». «Quand ils se rassemblaient, ils faisaient des danses pour exprimer leur souffrance, nostalgie à leur famille et amis. Ces chorégraphies étaient destinées à évacuer leurs ondes négatives en chansons qui invoquent Dieu, les parents, les décédés et la nature», ajoute-t-elle en mettant en avant la spiritualité de la musique Gnaoua.
Une chorégraphie et une révolte pour évacuer les complexes
A son tour, Maâlem Abdellah Akharraz, originaire d’Essaouira, ayant performé vendredi soir à la place Moulay El Hassan, remonte au périple des Gnaoua au «Mali, notamment à Toumbouctou». Il a également fait ce voyage. «Il y a un village où il y a des habitants appelés fils de Bambara», raconte-t-il. Quant à la danse, notamment les sauts en l’air, ils sont destinés à «évacuer les complexes de l’esclavage». «C’est comme une révolte», ajoute-t-il à propos de ces sauts. Le tout en étalant sa propre expérience. «Tellement j’étais léger qu’on n’arrivait pas à m’apercevoir facilement quand je sautais», s’exprime l’artiste, tout maigre, du haut de sa soixantaine. Et ce n’est pas tout ! Il révèle que même le public étranger éprouve un feeling à la vue de ces chorégraphies. «Et c’est un avantage pour nous», confie-t-il en s’exprimant sur les fusions avec des artistes de renommée mondiale. Dans ce sens, il donne l’exemple d’une collaboration avec un artiste issu du Brésil qui a valu à la danse gnaouie, notamment celle faite aux pieds, une appréciation sans égal. «D’après ce que nos parents racontaient, les esclaves étaient enchaînés et sautaient parallèlement, cela faisait un bruit. Quand ils ont été libérés, ils ont eu recours aux Qraqeb (castagnettes) pour exprimer cette liberté en saut», détaille-t-il en complément du contenu de l’anthologie. Toujours bon à savoir.