ALM : Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser ce film sur les métiers traditionnels ?
Hakim Belabbes : C’est une simple fascination par des gens ordinaires de ma ville natale de Bejaâd. C’est le portrait de certains artisans et artistes pleins d’humour que je connais depuis mon enfance. Je voulais toujours faire une comédie sur ces artisans qui se sentent heureux dans leur propre univers. Ils se contentent de peu, ils sont toujours satisfaits et très généreux entre-eux.
S’agit- il donc d’une histoire vraie ou d’une fiction ?
Le film «Ces mains-ci» est à mi-chemin entre la fiction et la réalité. Il raconte la vie des artisans de Bejaâd tels que le potier, le forgeron ou le zingueur. Ce sont des métiers en voie de disparition. Le dernier des zingueurs (Kazdara) de cette ville est mort deux mois après le tournage de ce film. Ce qui nous amène à constater que ces métiers traditionnels disparaissent avec la mort des artisans.
Pourquoi avez-vous choisi de réaliser la majorité de vos films sur votre ville natale ?
J’ai réalisé la plupart de mes films sur Bejaâd sauf «Alach Al Bhar » (Pourquoi la mer ?) qui a été tourné à Casablanca. C’est peut-être un choix mais la vérité c’est que je me retrouve dans la ville où j’ai grandi et appris à connaître le monde. Et plus je voyage, plus je me retrouve plus près de là où je suis parti. J’aurais pu peut-être tourner ce film au Sud- Est américain ou quelque part en Chine, mais j’ai préféré le faire dans un milieu que je connais et où ont vécu ces artisans.
L’avant-première de « Ces mains-ci » a été projetée à Tanger. Etes- vous attiré par les beaux sites de cette ville pour y tourner un de vos prochains films ?
Je sais qu’il y a déjà un film qui a été adapté du livre «Le pain nu», mais j’ai toujours envie de réadapter un long-métrage sur cette autobiographie de Mohamed Choukri. D’ailleurs la vie de cet écrivain tangérois est intimement liée à la ville de Tanger. C’est la portée humaine qui m’intéresse et non les beaux sites et les cartes postales. Je ne ferai jamais un film juste parce que des lieux sont beaux.
Vous vivez depuis plusieurs années à Chicago aux Etats-Unis, pourquoi n’avez-vous pas pensé de réaliser un film sur votre pays d’accueil ?
Personnellement, je fais un cinéma d’expression personnelle. Cela m’aide à gagner ma vie et à assurer l’éducation de mes enfants. Mais cela ne veut pas dire que je ne réaliserai jamais un film sur les Etats- Unis. D’ailleurs je travaille sur un projet de long- métrage auquel j’ai donné le titre «Finding Faress». C’est une comédie noire qui raconte la vie d’une famille américano-palestinienne. Il s’agit des Palestiniens d’Amérique vivant à Chicago. Mais j’essaie toujours de garder les mêmes principes et ne pas faire partie de la catégorie des cinéastes arabo- américains qui réalisent des films arabes en Amérique.
Y a-t-il d’autres projets de films au Maroc ?
J’ai bien sûr beaucoup de projets. Je projette de réaliser une série de films sur la réalité basée sur «Ces mains-ci». Je souhaite ainsi rendre hommage à des métiers traditionnels. Je vais tourner dans certains coins enclavés de Chefchaouen, Taroudant et Khemisset, là où ces métiers sont en voie de disparition. J’essaie ainsi de sauvegarder la mémoire de ces artisans.