Culture

« Halqa » : le théâtre de Mohamed Bariz

© D.R

Dimanche 22 janvier, place Sidi Bousmara à Casablanca. Des dizaines d’enfants étaient assis à même le sol, leurs yeux brillants et le regard rivé sur l’animateur d’un spectacle inhabituel. Cette place où ils ont l’habitude de jouer tout simplement à cache-cache avec leurs camarades est-t-elle en train de leur «jouer des tours?»
En tout cas, ils sont loin de rêver. Il y a bel et bien un spectacle d’animation populaire, connu généralement sous le nom de «Halqa». Cette halqa est assurée par un personnage marrakchi réputé être un grand orateur, il compte déjà à son actif plusieurs exploits sur la place mythique de Jamâa-El-Fnâa. On l’aura deviné, il s’agit de Mohamed Bariz, un conteur qui puise ses récits dans le patrimoine oral populaire. «Je ne choisis pas ce que je raconte à mon public, je le fais de manière spontanée », explique-t-il. Une façon de clamer quelque part sa passion pour cet art qui le pousse à se surpasser.
Et ce n’est pas pour déplaire aux mères de familles qui ont appris sa présence à Casablanca et sa prestation à la place de Sidi Bousmara. Elles ont hâte de découvrir celui qu’elles ont l’habitude d’apercevoir sur le petit écran. «Nous avons eu l’occasion de le voir à plusieurs reprises dans des émissions télévisées, mais nous ne l’avons jamais rencontré, cet événement nous a permis de le connaître de plus près», se réjouit une spectatrice, d’un ton admiratif.
Debout, celle-ci observe le conteur en pleine action, tout en surveillant attentivement ses enfants qui écoutent avec attention les paroles de ce “hlaiqi“. «Si je n’étais pas sûr que mon public apprécie mes contes, qu’il est réceptif et qu’il s’y intéresse, je n’allais guère poursuivre mon chemin, j’allais m’arrêter», tranche Bariz. Apparemment, le désordre et le chahut provoqués par un groupe d’enfants perturbateurs n’ont pas empêché le conteur de poursuivre sa tâche et de raconter des histoires imaginaires qui prennent leur essence tantôt dans le monde animal et tantôt dans l’univers humain. Le temps et l’espace sont indiscernables, voire inexistants, seule la parole donne de la consistance à cette théâtralité que Bariz veut spontanée.
Cependant, les contes qu’il raconte intriguent les enfants d’un âge précoce qui ne comprennent pas tout ce que leur interlocuteur leur raconte. Ils ne sont pas de la génération d’enfants dont les grands-mères racontent des histoires traditionnelles où toutes sortes d’animaux sont évoqués et où le langage fantastique est maître à bord. «J’aime ce qu’il nous raconte, même si je ne comprends pas tout ce qu’il dit», déclare cette petite fille, les sept printemps entamés. Normal, quand on sait que sa propre mère avoue qu’elle connaît très peu de contes populaires et que son enfant a plutôt recours aux livres de dessins animés où les protagonistes sont occidentaux. Pour renouer avec cet art populaire qui fait partie des racines marocaines, cette dame n’a pas hésité à emmener sa petite fille à la place Sidi Bousmara.
Elle considère cette activité comme étant intéressante. Elle cite plusieurs avantages et notamment celui de la proximité du lieu par rapport à l’emplacement.
«C’est tout près de notre maison, nous sommes venus à pied sans prendre aucun moyen de transport et en plus c’est gratuit», explique-t-elle. 
Même son de cloche du côté des enfants, les spectateurs les plus assidus de cette halqa. Preuve de leur intérêt, ils ont accouru en masse pour demander des autographes à leur conteur préféré. Un signe qui devrait nous rassurer sur l’avenir de cet art ancestral.

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