ALM : Vous êtes en représentation à Casablanca du 14 au 19 juillet au Megarama. Parlez-nous de votre show…
Hanane Fadili : Ce sont six représentations au Megarama de Casablanca. J’espère qu’elles vont bien se passer. Vous savez c’est un challenge pour moi. Un défi de tous les jours. Il faut tenir, être prêt, bien concentré pour offrir le meilleur à son public. Tout est dans la préparation et la concentration.
Comment ça se passe chaque jour? Est-ce qu’on a peur, est-ce qu’on se trompe, on oublie son texte… ?
La magie du théâtre est que ce n’est jamais pareil. Aucun spectacle ne ressemble à l’autre. Ce sont pourtant les mêmes sketchs, les mêmes personnages, les mêmes situations, mais c’est toujours différent. Le public est chaque soir différent. Moi-même je suis différente, chaque jour, dans ma constance. C’est ce qui fait que le spectacle se peaufine, s’aiguise, devient plus corsé, plus travaillé, plus maîtrisé.
Et puis, il y a l’amour du public. J’ai envie de rencontrer les gens, chaque soir, de les voir, de les sentir, de communier avec eux. Ce partage, cet élan commun et réciproque me nourrit, me porte.
Alors franchement, est-ce qu’il vous arrive de vous planter, de rater un truc ?
Très rarement. Vous savez, je suis constamment dans mes personnages. Je suis dans la spontanéité. La base de mon travail, le fond de mes textes et des situations que je traite sont là, je les maîtrise. Et même s’il y a un truc qui peut m’échapper, je l’attrape au vol, je m’en sers justement dans cette spontanéité pour l’utiliser à servir mon travail. Mais entre nous, le public ne le ressent pas, parce que c’est tellement huilé, ficelé et répété, que cela coule de source.
La palette de vos personnages est très large, comment vous faites pour passer d’un registre à un autre, avec autant d’aisance ?
Je ressens de l’amour pour chacun de mes personnages. J’en suis imprégnée. Je connais ses travers. Je touche ses forces et ses faiblesses. Je suis dedans à fond, pour ne pas laisser de place pour le hasard. Evidemment mes personnages sont aussi le reflet de qui je suis. Passer d’un registre à un autre est justement la force de ce travail. Savoir allier les concepts, multiplier les niveaux, offrir une large palette au public, à travers plusieurs tableaux, qui ne sont que la vie de chacun de nous, dans nos différences.
Vous parlez des femmes battues, des «petites bonnes», de la drogue… Vous faites de la politique sociale en fin de compte…
C’est ce que je réponds à ceux qui me disent qu’il faut que je fasse de la politique. J’en fais, mais différemment. A ma manière, je traite des sujets brûlants de notre société. Je suis une vraie Marocaine. J’aime passionnément mon pays et je veux participer à mettre la lumière sur tout ce qui ne va pas. Ce qui doit être corrigé. C’est ma façon d’attirer l’attention sur ce qui est caché. C’est ma manière de donner une voix à ceux qui n’en ont pas.
Sans être ni dans la revendication ni dans l’accusation, mais à travers un discours fin et subtil. À travers l’humour qui est une arme fatale contre l’injustice. J’ai mal pour les femmes battues, pour ces petites bonnes, j’ai peur pour la jeunesse de mon pays qui est en proie aux drogues. Il faut que j’en parle et c’est ma mission. Mon devoir d’abord de citoyenne. Ensuite, mon crédo en tant qu’artiste.
Vous travaillez avec votre frère Adil. Comment c’est de travailler en famille ?
Ah, il y a des hauts et des bas. Adil, est un homme qui a du caractère. Mais c’est un perfectionniste. Un professionnel. Il sait où il veut me mener. Nous nous concertons sur le spectacle, mais il me coache aussi et me pousse le plus loin possible pour me surpasser. Nous collaborons au niveau de l’écriture. Et la mise en scène est de son cru. Il a imaginé un décor somptueux de simplicité. Du blanc. Il dit que comme je suis un caméléon, le blanc fera ressortir toutes les nuances de mes personnages. Le blanc servira d’écrin à chaque tableau pour en rendre les moindres nuances. Je dois avouer que le rendu est magnifique.
Parlez-nous de votre père, Aziz. Sans lui vous ne seriez pas là où vous êtes…
Absolument. Je souscris. Papa c’est le déclencheur de tout cela. Papa c’est ma base. C’est mon assise. Il est et restera l’âme de ce qu’on fait tous. Vous savez, nous sommes trois générations. Papa, mon frère et moi. Et chacun dans un registre. Mais le fond commun, c’est notre histoire commune.
Notre passé, avec papa, à travers ses tournées de marionnettes dans les années 70, de ville en ville, à la rencontre des gens. C’est une richesse absolue pour moi. Et je le dois à la générosité de mon papa qui est un immense artiste. On a joué les saltimbanques durant une partie de notre vie et aujourd’hui, cela nous sert de moteur intérieur parce que nous avons été élevés dans des valeurs artistiques pures, faites de générosité, de probité intellectuelle et d’amour des autres.