Culture

Histoire : Que sont devenus les Juifs du Maroc ?

© D.R

Dans la lettre préface qu’il donne au livre de Robert Assaraf, Shimon Peres, le président de l’Etat d’Israël affirme avoir «lu avec intérêt ces pages qui retracent l’épopée glorieuse d’une communauté fidèle à ses traditions jusque dans les épreuves traversées à son arrivée en Israël et dans les autres pays où elle vit aujourd’hui».
De fait, le nouvel ouvrage de l’auteur d’Une certaine Histoire des Juifs du Maroc (Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2005) retrace les circonstances du gigantesque exode qui vit la quasi-totalité des 300 000 Juifs présents au Maroc en 1945 quitter la terre où leurs ancêtres avaient vécu pour s’installer aux quatre coins du monde, notamment en Israël, en France ou au Canada. Ils y constituent désormais des communautés fortes d’un million de membres qui continuent à entretenir un rapport affectif très fort avec le pays où les plus âgés d’entre eux passèrent leur jeunesse.
Cet ouvrage comble une lacune déplorée par de nombreux historiens et sociologues pour lesquels l’histoire de ce vaste mouvement de populations demeurait une page mal connue d’un passé récent auquel les plus audacieux hésitaient à se confronter.
Le mérite indéniable de Robert Assaraf est de refuser toute vision doloriste de l’histoire et d’éviter les polémiques stériles. Il montre bien que ce départ massif des Juifs du Maroc n’a pas été la conséquence, comme le veut un navrant cliché, de leur rejet par la société environnante.
Tout au contraire, il est contemporain de l’accession des Juifs du Maroc à la pleine et entière citoyenneté au lendemain de l’indépendance. Une pleine et entière citoyenneté symbolisée par la désignation dès 1956 d’un ministre juif et par la participation de nombreux hauts fonctionnaires juifs à la construction d’un nouveau Maroc débarrassé de toute tutelle étrangère.
Preuves à l’appui, Robert Assaraf montre bien qu’à l’exception de rares moments de crise, vite dissipés, les autorités marocaines ne firent pas obstacle au désir exprimé par les Juifs marocains de rejoindre ceux des leurs déjà installés en Israël. L’ouvrage ne cache des difficultés rencontrées par les candidats au départ lors de leur installation en Israël où les institutions officielles, représentatives du monde ashkénaze, n’étaient pas sans nourrir un certain nombre de préjugés envers les «Orientaux».
Ce qui rend d’autant plus significative la part jouée par les Israéliens originaires du Maroc dans la politique, sociale, religieuse et intellectuelle d’Israël aujourd’hui.
Dans ce livre publié sous le patronage prestigieux de l’Université de Paris VIII, Robert Assaraf apporte de précieuses précisions sur l’apport culturel des Juifs marocains à la société israélienne et montre notamment que la mimouna, fête typiquement marocaine marquant la fin de la Pâque juive et symbole jadis de la coexistence harmonieuse entre Juifs et Musulmans au Maroc s’est transformée en un rite festif indissociable du multiculturalisme à l’œuvre au sein de la société israélite.
L’autre mérite du livre de Robert Assaraf est de ne pas se contenter de retracer la constitution de groupes numériquement importants – plusieurs dizaines de milliers de personnes – d’originaires du Maroc en France, au Canada, en Espagne ou au Venezuela.
Chaque communauté fait l’objet d’une étude particulière soulignant comment les originaires du Maroc ont su combiner leur intégration à la société d’accueil avec leur souci de préserver et de transmettre aux nouvelles générations un héritage culturel et religieux profondément marqué par les valeurs propres à la société marocaine tout court.
Par delà l’information considérable qu’il offre au lecteur, le livre de Robert Assaraf nous donne une leçon qu’il convient de méditer. Il montre comment une communauté parvient à sauvegarder son héritage en dépit des effets conjugués ou successifs de l’exil, de la mondialisation et de sa confrontation avec une modernité réductrice des différences.
Ce sont là autant de bonnes raisons de lire le nouvel ouvrage de Robert Assaraf.
Et d’inciter ce dernier à nous donner – il a déjà traité de la période 1860-1999 dans un autre livre – enfin la grande histoire de plus de 2 000 ans de présence juive au Maroc dont le manque se fait de plus en plus sentir au fur et à mesure que se multiplie la publication de monographies ou d’études locales. Arrik Delouya, Sociologue et chercheur, Président des Permanences du Judaïsme marocain.

• Par Arrik Delouya
Sociologue et chercheur, président des Permanences du Judaïsme marocain.

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