CultureEn hommage

Hommage à Gabriel Garcia Marquez: Le chantre de la liberté

© D.R

Plusieurs années après sa mort, paraît une œuvre posthume du Prix Nobel colombien, Gabriel Garcia Marquez. Avec un titre à la fois poétique et provocateur.

Dans «Les Belles Endormies» de Yasunari Kawabata, il y a une phrase que choisit Gabriel Garcia Marquez, comme exergue: «Et veuillez éviter, je vous en prie, les taquineries de mauvais goût! N’essayez pas de mettre les doigts dans la bouche de la petite qui dort. Ça ne serait pas convenable».

C’est donc le vieux Yasunari qui aura inspiré cette balade inespérée au vieux Gabriel Garcia. Le roman, «Mémoires de mes putains tristes» décrit la dernière sortie d’un journaliste assez minable, traînard de bistrots et de bordels colombiens, qui nous est déjà assez connu. Le briscard a vieilli : «L’année de mes quatre-vingt-dix ans, j’ai voulu m’offrir une folle nuit d’amour avec une adolescente vierge. Je me suis souvenu de Rosa Cabarcas, la patronne d’une maison close qui avait l’habitude de prévenir ses bons clients lorsqu’elle avait une nouveauté disponible… Je n’avais jamais succombé à une telle invitation ni à aucune de ses nombreuses tentations obscènes, mais elle ne croyait pas à la pureté de mes principes.

La morale aussi est une affaire de temps, disait-elle avec un sourire malicieux, tu verras». Tout l’intérêt de ce roman est de se poser la question : Que va-t-il se passer? Sommes-nous en présence d’un vulgaire pédophile ? Quel est cet amour soudain, très latino, pour la vierge considérée comme l’un des beaux-arts ? Pour le reste, toute la verve et la force de l’écriture de l’auteur de l’Automne du Patriarche, de Cent ans de solitude ou de l’Amour au temps du Choléra sont absentes. Le texte frôle par moments la mièvrerie tant le récit se dissout dans une prose sans contenu. Reste l’intérêt d’un roman qui peut choquer. Et là encore, on ne voit pas pourquoi un tel récit si fin et si riche en volupté peu heurter une quelconque pudibonderie de mauvais aloi ! C’est mal connaître l’œuvre magistrale de l’auteur de l’incontournable «Cent ans de solitude». Gabriel Garcia Marquez est par excellence le romancier de la liberté au-delà des jugements. Il est l’auteur d’une volonté de s’affranchir de tous les dogmes et de tous les boulets pour essayer de saisir un peu le sens de la vie.

C’est d’ailleurs lui qui dit ceci dans l’une de ses œuvres : « La vie n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s’en souvient… Il n’est pas vrai que les gens arrêtent de poursuivre leurs rêves parce qu’ils vieillissent, ils vieillissent parce qu’ils arrêtent de poursuivre leurs rêves… et le secret d’une bonne vieillesse n’était rien d’autre que la conclusion d’un pacte honorable avec la solitude». Vivre seul, cheminer en solitaire, loin des autres, loin de tout, mais près de soi, c’est là le gage de presque tous les personnages de Gabriel Garcia Marquez. On les retrouve dans «Cent ans de solitude», dans «L’amour aux temps du choléra », dans « Chronique d’une mort annoncée » et dans « Mémoires de mes putains tristes». Il y a cette solitude du marcheur qui chemine vers son errance, par monts et par vaux, mais qui garde en tête que le chemin n’est jamais la destination.

Mais la manière dont on chemine avec soi : «Tout le monde veut vivre au sommet de la montagne, sans soupçonner que le vrai bonheur est dans la manière de gravir la pente », nous confie l’auteur. Nul ne peut connaître le col qui balance de l’autre côté sans grimper la montagne. Car celui qui reste dans la vallée peut présumer. Celui qui bascule dans l’autre versant, lui, il sait, parce qu’il a vu. Et à chaque fois qu’un homme va au-delà de ses limites, il renaît de ses cendres. Car l’aventure de la vie suppose plusieurs morts et quelques renaissances: «Il eut l’intime conviction que les êtres humains ne naissent pas une fois pour toutes à l’heure où leur mère leur donne le jour, mais que la vie les oblige de nouveau et bien souvent à accoucher d’eux-mêmes», précise Garcia Marquez dans « L’amour aux temps du choléra».

Oui, le fin mot de cette histoire est de pouvoir se donner sa propre naissance, et si possible, sans baptême, mais avec la promesse de se donner un nom, le jour de son dernier pèlerinage. Car, ce que l’on apprend en lisant Gabriel Garcia Marquez, c’est que l’homme ne peut se connaître qu’à la fin de son long périple, à ce moment où il doit entamer son ultime départ vers tous les ailleurs. C’est à ce stade de la vie que les hommes finissent par comprendre le sens simple d’être un homme, celui de la bienveillance, celui du don de soi, celui de la main tendue pour aider les autres à faire leur chemin, eux aussi: «J’ai appris qu’un homme a le droit de regarder quelqu’un de haut seulement quand il est en train de l’aider à se relever…», dit l’auteur, qui au prix de toute une vie a fini, lui aussi, par comprendre pourquoi on vit, pourquoi sommes-nous ici, à quelle fin et dans quel dessein ? Si c’est pour faire comme tout le monde, la vie n’est pas la vie, c’est tout au plus une répétition, une copie pâle et illisible de ce que d’autres ont pu connaître et vivre. Car, vivre, c’est explorer, c’est forcer le destin à se rebeller sur lui-même.

Vivre est une révolte folle pour changer d’orbite: «Il n’y avait, dans le coeur d’un Buendia, nul mystère qu’elle ne pût pénétrer, dans la mesure où un siècle de cartes et d’expérience lui avait appris que l’histoire de la famille n’était qu’un engrenage d’inévitables répétitions, une roue tournante qui aurait continué à faire des tours jusqu’à l’éternité, n’eût été l’usure progressive et irrémédiable de son axe», lit-on au fil des pages de «Cent ans de solitude», ce roman de toute une région du monde, de tout un peuple, de toute une histoire méconnue.

Un roman de destin et de destinée. Celle d’un homme, celle d’un écrivain qui a connu des extases inimitables, que seuls les grands pèlerins peuvent vivre en écrivant: «L’écriture est devenue alors si fluide que par moments je me sentais emporté par le simple plaisir de la narration, qui est peut-être l’état de l’homme qui s’apparente le plus à la lévitation», confie Gabriel Garcia Marquez, qui conclut en nous disant ceci: «Tout homme a trois vies. L’une publique, l’autre privée et la troisième secrète».

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