Vedette emblématique du théâtre et du cinéma, Naima Lamcharki s’est éteinte samedi 5 octobre à Casablanca, laissant derrière elle une empreinte indélébile. Plusieurs acteurs de la scène culturelle ont exprimé leur affliction à la suite de sa disparition.
On se souviendra sûrement d’elle, de son talent unique et de sa voix si reconnaissable. Elle avait un charme qui la rendait immédiatement identifiable, rendant chaque personnage plus vivant, plus humain. La grande dame du cinéma et du théâtre, Naima Lamcharki, s’est éteinte samedi à l’âge de 81 ans à Casablanca, laissant derrière elle un héritage culturel incommensurable. Au lendemain de l’annonce de sa disparition, les hommages se succèdent sur les réseaux sociaux. Amis, artistes, ou personnalités en tous genres s’émeuvent de la disparition de l’artiste. Sur sa page officielle Facebook, le réalisateur et producteur Mohamed Abderrahman Tazi a fait part de sa peine immense. Il a écrit d’ailleurs : «Ma première rencontre avec Naima Lamcharki remonte à 1962, c’était hier, c’était le siècle dernier. J’étais étudiant à l’Institut des hautes études cinématographiques, à Paris et, dans la promotion qui me précédait un autre étudiant Abderrahman Khayat terminait son année scolaire et recevait à l’école sa fiancée : Naima Lamcharki. Quelques années plus tard, je ne ratais aucune pièce de théâtre de Taïb Seddiki nouvellement nommé directeur du Théâtre Municipal de Casablanca et c’est dans de nombreuses pièces que j’ai remarqué le talent immense de Naïma Lamcharki: une voix chaleureuse et un jeu exquis».
Une artiste au talent immense
Mohamed Abderrahman Tazi n’a pas manqué de souligner le talent unique de l’artiste et ses rôles dans ses films qu’il a réalisés, à savoir «A la recherche du mari de ma femme», «Lalla Hobby» ou «Les voisines d’Abou Moussa». «Encore une fois la présence de Naïma Lamcharki s’imposait par ce pouvoir d’adaptation à des rôles les plus difficiles. Une particularité que j’aimerais signaler dans la façon de travailler avec cette grande comédienne est cette intelligence de capter le personnage tel que l’imagine le réalisateur, de l’étoffer et lui donner cette consistance artistique qui le rend plus que crédible», atteste-t-il. Il faut dire que sur les 7 films qu’il a réalisés à ce jour, Naïma Lamcharki est présente dans quatre. Elle était l’élément essentiel dans la composition du casting de ses films. «La richesse, la justesse de son interprétation est quasi nécessaire pour la crédibilité, la minutie et le professionnalisme d’une grande dame du cinéma, du théâtre et de la télévision qui nous quitte et laisse un vide incommensurable», s’exprime-t-il. Pour sa part, l’acteur Rachid El Ouali n’a pas manqué d’exprimer sa tristesse. Il a écrit : «Naima Lamcharki est une dame distinguée. Une femme avec qui j’ai travaillé dans de nombreux films, notamment «Allal El Qalda». Je me sens profondément triste de ne pas avoir pu lui rendre visite car son téléphone ne sonnait plus. Nous ne voulions pas la déranger. La dernière fois, il y a quelques semaines, au Festival d’Imilchil, on a voulu lui rendre hommage, mais c’était impossible».
Une mémoire sociétale authentique
Le réalisateur Abdellilah Eljaouhary a lui aussi en quelques mots dressé un portrait de l’artiste. «Naima Lamcharki est une grande dame marocaine qui résume les significations du beau temps perdu et du bonheur éternel tant désiré. Une personne qui diffuse, à travers ses paroles lumineuses, surplombant toutes les sages possibilités et les chemins ouverts, au passé, au présent et au futur, le contenu de la joie et de l’espérance», témoigne-t-il. Et d’ajouter : «C’est la mémoire sociétale authentique et subtile et les expériences et informations humaines continues. C’est la solidarité et la compassion avec les segments de la société dans toutes ses sectes et ses couleurs de classe. C’est une vaste connaissance et tendresse entourée et enveloppée à tout moment et en tout lieu par le parfum de l’humanité. C’est plutôt la femme artiste qui vous donne le bonheur d’être véritablement marocaine».
Une carrière fulgurante
Née en 1943 à Casablanca, la regrettée avait aussi brillé dans les téléfeuilletons en interprétant des premiers rôles dans plusieurs séries télévisées comme «La famille Ramdam». Au cinéma, elle avait participé à une vingtaine de courts et longs métrages marocains et étrangers, comme «Noces de sang», «Lalla hobbi» et «La bataille des trois Rois». La défunte avait aussi entamé une expérience unique dans le domaine de l’animation télévisuelle, en présentant entre 2000 et 2004 l’émission éducative et culturelle «Alif Lam» sur la chaîne Al Oula, destinée à la lutte contre l’analphabétisme. En 2001, elle reçoit le prix de la meilleure actrice dans un premier rôle au Festival national du film pour son interprétation magistrale dans «À la recherche du mari de ma femme». Ce prix n’était que la consécration d’une carrière déjà bien étoffée, marquant un tournant dans la reconnaissance de son immense contribution à l’industrie cinématographique nationale. En 2012, Sa Majesté le Roi Mohammed VI lui rend hommage en la décorant de l’Ordre du Mérite National marocain, une distinction honorifique méritée qui saluait ses années de travail acharné, sa passion inébranlable et son rôle inestimable dans la promotion de la culture marocaine. Naima Lamcharki restera dans les mémoires comme l’une de ces figures emblématiques qui, par leur art et leur charisme, ont su refléter l’âme et la richesse culturelle du Maroc.