OBG : Quels sont les apports du code de la presse en projet depuis 2006 ?
Khalil Hachimi Idrissi : L’essentiel du projet consiste en un meilleur encadrement juridique de la liberté d’expression, en offrant aux journalistes professionnels la possibilité d’exercer leur métier sans crainte des peines privatives de liberté en cas de condamnation dans le cas d’un délit de presse.
Le champ de ces condamnations était par le passé très large et nous souhaitons, par la négociation, la discussion, rendre cette probabilité de privation de liberté impossible. Nous considérons, également, que le champ de la récidive dans notre domaine doit être examiné avec plus de spécificité, compte tenu du fait que la responsabilité légale du directeur de publication est permanente quel que soit l’auteur de l’article publié. Les journalistes marocains ne revendiquent pas le droit à la diffamation en dehors des lois mais réclament une loi qui respecte le droit d’information des citoyens.
Quelle est l’importance des subventions publiques pour les organes de presse ?
L’importance de la subvention publique à la presse est résiduelle ou marginale. Elle ne dépasse pas 5 millions d’euros et elle bénéficie, ce qui est déjà un progrès, à près d’une cinquantaine de publications. La modicité de ce montant ne permet pas une mise à niveau réelle de l’entreprise de presse ni la construction d’une situation matérielle solide aux journalistes professionnels. En fait, il nous semble que l’élargissement de cette aide sur des critères objectifs est le seul moyen de faire de ce secteur un vrai secteur économique qui contribue à la croissance et un vrai secteur social qui contribue au développement de la démocratie et de la liberté d’expression.
Dans quelles mesures peuvent-elles compromettre l’indépendance éditoriale ?
Le soutien aux entreprises de presse ne peut en aucun cas compromettre l’indépendance éditoriale parce que dans notre pays, aujourd’hui, ni les pouvoirs publics ni les éditeurs ne font de lien automatique ou structurel entre la liberté d’informer et le financement et la mise à niveau d’un secteur économique. Le préalable à ce soutien n’est pas l’enrôlement dans la ligne éditoriale du gouvernement ou les choix de l’Etat. Si cela était le cas, ce serait ridicule et contreproductif. La démocratie se construit avec des idées et avec l’indépendance des leaders d’opinion.
Quelle est l’importance de la presse étrangère et notamment de la presse française ?
La presse étrangère au Maroc est lue et elle est en vente librement dans le pays. Sa situation ne pose aucun problème particulier. Nous sommes un pays libéral et nous acceptons l’ouverture aux autres. Et nous, ce que nous voulons c’est que la presse marocaine soit très importante et qu’elle touche tous les lecteurs potentiels par un système de distribution et de diffusion performant. Dans le cadre du contrat-programme qui nous lie à l’Etat, une réflexion est engagée pour améliorer notre système de diffusion et faire en sorte de développer une vraie stratégie nationale d’encouragement à la lecture.
Dans quelle mesure la formation actuelle des journalistes permet-elle d’assurer un meilleur recrutement de journalistes professionnels ?
Le problème principal de la presse marocaine est l’absence de ressources humaines qualifiées. La formation privée est faible et la formation publique est très peu significative. L’effort de formation est supporté par les entreprises de presse sans que cela ne permette de créer un vrai marché de travail structuré et transparent. La tension sur les salaires des journalistes est telle, aujourd’hui, qu’elle n’a plus aucun rapport avec leurs qualifications réelles ou leurs prétentions professionnelles.
Quelles sont les conditions pour lancer une publication ?
Il faut beaucoup de foi et une grande croyance dans l’avenir du pays.
Dans quelle mesure les étrangers peuvent-ils ouvrir leur propre journal?
Les investissements étrangers sont essentiellement régis par le code des investissements. Le code de la presse actuel est assez insuffisant pour répondre à un investisseur qui veut s’impliquer dans ce secteur compte tenu que ce débat a traditionnellement porté sur l’aspect politique des choses et non pas sur les aspects économiques et financiers. Un investisseur étranger peut posséder à 100% une régie publicitaire mais ne peut être directeur de publication qu’avec autorisation du Premier ministre. Tout cela n’est pas cohérent.
Le marché actuel peut-il supporter davantage de publications ?
Il est clair que le marché ne peut plus supporter davantage de publications informelles non structurées et non dotées de vrais moyens humains et matériels pour contribuer à l’évolution de ce secteur. Sinon, sur le plan économique et compte tenu de la faiblesse de notre marché, l’avenir ne peut être que prometteur pour tous ceux qui sont dans une vraie logique d’investissement professionnel. Le ratio de l’investissement publicitaire per capita est tellement faible que sa croissance à venir doit permettre toutes les audaces.
• Propos recueillis par OBG
Interviews et tribunes dans «The Report Morocco 2008»
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