Culture

La chanson marocaine victime du plagiat

© D.R

Le plagiat prend de l’ampleur au Maroc. Se faire voler une chanson est devenu chose courante au sein de la scène artistique nationale. Le non-respect de la propriété intellectuelle fait preuve de manque de déontologie. Au nom de la loi, l’exploitation gratuite d’une œuvre artistique est un crime injustifiable. Un usage illégal qui décrédite trois parties prenantes : auteur, compositeur et chanteur. Des affaires scandaleuses ont franchi les portes des tribunaux. La dernière sous les spots, «Alach ya ghzali» qui a été somptueusement chantée par le défunt Maâti Belkacem. Écrite et composée respectivement par Ahmed Tayeb Laâlej et Abderahim Sekat, «Alach ya ghzali» a été illicitement reprise par la chaîne Rotana. Il ne s’agit pas de piratage mais de plagiat. Cette chanson marocaine a été rapatrié au nouvel album de l’Emirati Saoud Abu Sultan, sans mentionner la source originale. Cette violation a interpellé les ayants droit, en particulier la famille Belkacem. La veuve, Amina Moutassir, revendique fermement ses droits. «Nous refusons formellement la reprise des chansons du défunt sans être consultés. Rotana s’est appropriée illicitement ce droit, elle devra assumer les conséquences», indique Mme Mountasir. Pour sa part, Abdenbi Belkacem, l’un des huit héritiers du chanteur, mécontement de ce geste ingrat qui nuit à la mémoire de son père. «La notorièté de Maâti Belkacem dépasse les frontières. Si chaque personne se permettait de reproduire aléatoirement les œuvres marocaines, que serait-il de notre mémoire culturelle ?», s’interroge le fils. Cette question préoccupe la famille de l’artiste qui recommandent «la reconnaissance». Ce souci est partagé par tous les professionnels de la scène artistique. L’enjeu étant de préserver l’authenticité et le devenir de la chanson marocaine. Pour les Belkacem, la décision est prise. Les démarches sont en cours pour retrouver le maillon perdu : qui a autorisé la reprise et la reproduction de la chanson ? Contrairement à ce qui a été cité sur les colonnes de la presse, la famille Belkacem dément avoir demandé préjudice aux tribunaux ni avoir réclamé une indemnisation. Cependant, Rotana a un lourd antécédent relatif au plagiat des chansons marocaines. Après «Mersoul Al Hob» qui a opposé la chanteuse Hasna à Hassan El Moufti, un autre titre a déclenché le scandale. La chanson en question est «Habib El kalb» de Abdessadek chekara, reprise par la marocaine Raja Ksabni. Diffusé sur Rotana, le générique du clip mentionne la chanson en tant que folklore national or qu’elle est écrite et composée par le vétéran Abdessadek Chekara. L’omission du nom de l’auteur est-elle volontaire ? La chanteuse marocaine a-t-elle été manipulée «inconsciemment» dans cette affaire ? En tous les cas, l’erreur est impardonnable. Au nom des héritiers, sa fille Bouchra a pris la relève et a décidé de sauver l’honneur de son père. «Au-delà du plagiat, nous reprochons à Raja d’avoir écarté le nom de Chekara de son album. Tout notre souhait est que justice soit faite», précise-t-elle. Les chansons de Chekara sont très prisées au Maroc. En s’entretenant avec son héritière, elle a évoqué plusieurs cas de «vol». À titre d’exemple, Khalid Bennani a repris spontanément les grands tubes du chanteur. De même, Abderrahim Souiri figure parmi les parties en conflit avec les Chekara.  Selon Bouchra, l’alibi de ce genre de pratique est commercial. Pour cette cause, elle a décidé de créer une association pour la préservation des œuvres de son père.
Une action encourageante qui entravera toute tentative de copiage ou de piratage. «Cette initiative a été prise de notre plein gré, vu que les instances légales, en l’occurrence le Bureau marocain des droits d’auteur, n’interviennent pas fermement dans ce genre d’affaires», a-t-elle expliqué. Par ce jugement, la structuration du champ artistique est remise en cause. Moustapha Baghdad, secrétaire général du Syndicat libre des musiciens marocains, détermine en chiffres le phénomène du plagiat : «Nous pouvons estimer le taux de cette pratique à 96%. En tant que syndicat nous nous acharnons à préserver les droits de nos adhérents». Pour sa part, Abdellah Ouadghiri, président du Bureau marocain des droits d’auteur (BMDA) veille sur la bonne exploitation des œuvres. Il détermine les droits en deux sections : droits moraux et patrimoniaux. Avant toute reproduction, il est obligatoire de remplir au préalable une autorisation préservant ainsi les droits des parties-prenantes: auteur, compositeur, interprète et producteur. En matière de droits d’auteur, le Maroc a enregistré des avancées notables. En 2006, la durée de protection a été prolongée à 70 ans après le décès de l’artiste. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 4 ans de prison ferme et une amende de 60 millions de centimes.
L’adhésion du Maroc à la législation des droits voisins renforce ses structures juridiques, civiles et douanières comme elle traduit l’engagement des professionnels nationaux dans la protection de la propriété artistique et intellectuelle. Avec cette nouvelle réforme, le BMDA s’accapare le droit pour lancer des requêtes automatiques contre toute effraction.
Le BMDA a eu gain de cause dans des affaires de plagiat. Serait-il le cas pour l’affaire Belkacem ? De toutes les façons M. Ouadghiri se porte volontaire pour entamer les démarches nécessaires.

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