Culture

La Hadra : une fierté pour les femmes de Chefchaouen

© D.R

ALM : Vous êtes la chef d’orchestre du groupe Akhawat Al Fan El Assil et votre musique est du registre de la Hadra. Quelle est la symbolique de ce style musical ?
Rahoum Bekkali : La Hadra est à l’origine d’un rituel relevant du champ de la culture du soufisme qui se pratique dans le contexte spirituel des assemblées religieuses. Pour ce qui est de la Hadra de Chefchaouen que nous pratiquons au sein de notre groupe, celle-ci prend sa source dans la Zawiya Bekkalia et dans les douars « Al Haraiq ». Avant de devenir une musique grand public, elle était jouée dans des cercles très fermés et exclusifs. Elle était surtout jouée à l’occasion des moussems et des diverses célébrations tels que les mariages ou la naissance du Prophète.

D’où vous est venue l’idée de créer un ensemble musical qui se spécialise dans la Hadra ?
Etant-donné que je fais partie de la Zawiya Bekkalia, j’ai été baignée depuis ma tendre enfance dans les rythmes de la Hadra. J’ai choisi de me spécialiser dans ce registre précis. Après avoir obtenu le Premier prix de solfège et le Prix d’honneur de la musique au Maroc, j’ai décidé de fonder une école de la Hadra. La tradition de la Hadra doit être perpétuée, d’où l’idée de créer une école pour enseigner les techniques de la Hadra. C’est la seule manière d’étendre la pratique de ces chants soufis.

Quand cette école a t-elle été fondée et comment s’y déroule l’enseignement ?
En fait, il ne s’agit pas d’une école à proprement parler. C’est plutôt une association qui est intitulée : « Akhawat Al Fan El Assil». J’ai fondé une classe en mars 2004 et j’y dispense des cours pour enseigner la technique purement traditionnelle de la Hadra. Il y a aujourd’hui 60 filles qui sont inscrites dans cette classe.
Les cours se déroulent trois fois par semaine, à savoir le mardi, le jeudi et le   dimanche. Les cours prennent un total de 6 heures par semaine. Dans cette classe, on prépare les voix pour les chants de la Hadra.
Les cours sont gratuits et s’inscrivent dans le cadre d’un travail associatif. Le but est de perpétuer la tradition de la Hadra de Chefchaouen.
Nous voulons que cet art puisse avoir un rayonnement sur le plan national et pour qu’il puisse être remis en valeur.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que chef d’orchestre d’un groupe exclusivement féminin. Ceci dans une ville considérée comme conservatrice ?
Aujourd’hui, les femmes ont moins de difficulté à s’imposer dans l’univers musical. C’est vrai qu’il y a quelques années, les femmes n’étaient pas libérées, elles avaient même du mal à s’exprimer à leurs aises. Mais de nos jours, on voit de moins en moins ce phénomène et les musiciennes font de leur mieux pour s’imposer. En ce qui me concerne, j’ai été encouragée par mon entourage familial. En fait cela s’est passé d’une façon très spontanée étant donné que mon père est lui-même musicien qui fait partie de la Zaouiya Bekkalia.

Les filles qui font partie de votre groupe, n’ont-elles pas de problèmes dans leur entourage familial ?
Les jeunes filles de mon ensemble musical: «Akhawat El Fan Al Assil » sont mes élèves. Je ne crois pas qu’elles reçoivent des critiques de la part de leur entourage étant donné que c’est une fierté pour les parents d’avoir des filles qui pratiquent la musique qui invoque Dieu.
La Hadra est une musique spirituelle où les louanges à Dieu sont toujours présentes. Faire partie d’un groupe de chants spirituels et soufis n’a aucune connotation immorale. Ce qui fait qu’il n’y a à mon avis aucune raison pour que les familles interdisent à leurs filles d’emprunter le chemin de la Hadra. Au contraire, il y a de plus en plus de familles qui encouragent leurs filles à se forger une carrière dans ce domaine de la Hadra.

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