Culture

La ligue arabe contre le livre arabe

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Le Monde arabe est en train de rater son rendez-vous le plus important avec le livre. La foire du livre de Francfort, qui représente le plus grand marché au monde pour le commerce des droits et des licences dans l’industrie de l’édition, réserve un hommage très appuyé au monde arabe. C’est l’invité d’honneur ! L’Allemagne en a confié l’organisation à la Ligue Arabe. “C’est une erreur de la part des Allemands, due à une méconnaissance du monde arabe“, commente Bichr Bennani, directeur des éditions Tarik. “Je suis très sceptique, parce que la responsabilité de cet hommage est du ressort des gens qui n’ont aucune compétence pour le faire“, renchérit Abdelkader Retnani, directeur des éditions Eddif. Une délégation, conduite par Mohamed Gounjjar, président de l’Association marocaine des professionnels du livre (AMPL), s’est rendue à l’ambassade d’Allemagne pour avoir des informations sur le sujet. “L’attachée de presse nous a précisés ne rien pouvoir faire. Elle nous a demandés de prendre attache avec la Ligue Arabe“, nous confie M. Gounjjar qui déplore n’avoir aucune autre précision sur le sujet. Il n’est pas le seul, puisque les éditeurs en Allemagne sont également dans l’incapacité d’avoir des informations. Ils ne savent pas encore comment réagir. Leur désarroi est d’autant grand que l’invité d’honneur de 2005, la Corée du Sud, a déjà bouclé son programme. Ils commencent d’ailleurs à se mobiliser pour contrer par d’autres moyens l’irresponsabilité de la Ligue Arabe. Un noyau s’est constitué autour du libraire et éditeur – le plus réputé – de littératures arabes en Allemagne. Hans Schiler (http://www.verlag-hans-schiler.de/) est très pessimiste sur la représentation qui sera faite du livre arabe à la foire de Francfort. Les membres de son petit groupe aussi. L’artiste peintre Claudio Lange est parmi les plus actifs. Il a déclaré à ALM : “La Ligue Arabe est incapable de donner une image réaliste de la littérature de ses Etats membres. Je crains même qu’elle ne ridiculise le livre arabe. Inutile de rappeler qu’en ratant le rendez-vous de Francfort, elle va faire plaisir à beaucoup de gens “. En effet, lorsqu’il a été annoncé que l’invité d’honneur de la 56e foire de Frankfort sera le monde arabe, des membres du gouvernement israélien, appuyés par certains journaux, se sont élevés contre cet hommage, en appelant à honorer un pays et non pas un bloc homogène. Leurs craintes sont vaines, parce que ce bloc est bien fragile. Il fait du surplace depuis des mois. Interrogée sur ce sujet, Mounya Nejjar, directrice du livre, des bibliothèques et des archives au ministère de la Culture, utilise à quatre reprises le mot “flou”. La Ligue Arabe est claire sur deux points seulement. “Le seul courrier que nous recevons de la Ligue Arabe est relatif aux frais de la participation du Maroc et à nos activités dans le salon“. Mounya Nejjar s’étonne que la Ligue Arabe réclame aux pays membres un programme alors qu’ils ignorent dans quel esprit l’inscrire. Quant aux frais, ils étaient fixés au préalable à 250 000 dollars, avant que le ministère de la Culture ne négocie leur baisse à 75 000 dollars. Et même cette somme, le ministère de la Culture se dit incapable de la payer sans l’aide d’autres partenaires. En confiant l’organisation de l’hommage au livre arabe à la Ligue établie au Caire, l’Allemagne a cherché à avoir un seul interlocuteur. Elle a sans doute agi par similitude avec les événements organisés par l’Union européenne. Seulement, Bruxelles a des départements spécialisés dans le management culturel, alors que la Ligue Arabe n’en a pas. En plus, parmi les 22 Etats de la Ligue Arabe, nombreux sont ceux qui vont donner une représentativité convenue du livre. Les ouvrages qui dérangent seront bannis. Des écrivains qui vivent en exil ne seront pas représentés. On voit mal l’Algérie garnir son stand avec les livres de Yasmina Khadra. Tout le pan de la pensée qui dérange risque d’être exclu. Heureusement que des forces s’élèvent en Allemagne pour créer, selon l’expression de Claudio Lange, “une réalité parallèle”. Il ne sait sans doute pas jusqu’à quel point son expression caractérise les sociétés du monde arabe.

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