Univers pictural: Du 8 avril au 30 juin 2025, le grand écrivain et poète Tahar Ben Jelloun présente son exposition «De l’écriture à la peinture» au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat. Elle met en lumière une quarantaine de ses œuvres récentes, accompagnées d’une sélection précieuse de manuscrits provenant d’une dizaine de ses romans les plus marquants.
Depuis une vingtaine d’années, il explore le domaine de la peinture en parallèle de l’écriture. C’est un grand amoureux de la lumière, de couleurs et de beauté. Le célèbre Tahar Ben Jelloun revient au Maroc et dévoile son exposition rétrospective intitulée «De l’écriture à la peinture» au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat. Une exposition inédite haute en couleur célèbre son talent littéraire et pictural. Elle met en lumière une quarantaine de ses œuvres récentes, accompagnées d’une sélection précieuse de manuscrits provenant d’une dizaine de ses romans les plus marquants. Placée sous le commissariat de Abdelaziz El Idrissi et Boubker Temli, cette exposition offrira aux visiteurs une immersion dans l’univers de Ben Jelloun, où l’art et la littérature se rencontrent pour révéler les facettes lumineuses du monde. «À chaque fois, j’explique comment je passe de l’écriture sur ce que j’appelle «la douleur du monde» à sa «lumière». J’ai souvent écrit sur les injustices, la corruption, l’abandon… je me suis mis à peindre pour faire oublier la part sombre du monde que j’écrivais», explique-t-il.
Le plaisir de peindre
«Peindre n’est pas une épreuve pour Tahar. Chaque toile constituant une promesse vers le bonheur. Tahar est un amoureux désarmé et conquis par la peinture», témoigne à son égard Aziz Daki, critique d’art et cofondateur de la galerie L’Atelier 21 à Casablanca. Pour lui, Tahar Ben Jelloun peint avec une gourmandise non dissimulée, retenant de son métier d’écrivain qu’il n’existe pas de difficulté insurmontable et encore moins d’obstacle dissuasif. «L’écrivain s’illustre dans plusieurs genres, allant du roman à la poésie, en passant par le théâtre et l’essai. Le peintre n’a peur de rien. Ni d’expérimenter de nouvelles techniques, ni de s’attaquer à des toiles monumentales, et encore moins de s’aventurer dans un art éminemment chrétien: le vitrail. C’est de cette audace désarmante que participe son acceptation de réaliser, en 2019, les vitraux de l’église Saint Génulf du Thoureil, sur les bords de la Loire, en France. Il y a réalisé des vitraux aussi beaux qu’inattendus, avec la complicité du maître-verrier Philippe Brissy». Pour Jérôme Clément, fondateur d’Arte, directeur général du Centre national du cinéma, directeur de la Fondation Alliance Française et écrivain, Tahar Ben Jelloun colorie, juxtapose des couleurs, élabore ses idées sur la toile, dans une gamme très variée, chatoyante, composée de couleurs franches, vivantes et gaies. «La lumière rentre par la fenêtre ouverte sur le mur grâce à cet enthousiaste de la création, cet optimisme qui rapproche le jaune, le bleu, l’orange, le rouge, qui dominent dans sa peinture».
Une enfance connectée avec la couleur
L’enfance de Tahar Ben Jelloun a été ainsi en contact avec la couleur et le dessin. D’ailleurs, ses œuvres sont inspirées de sa ville natale Fès. On y voit des nuages, des oiseaux, des triangles, le ciel… «Une image d’enfance s’impose à moi : sur la terrasse de notre maison dans la vieille médina de Fès, je vois des collines, des nuages et de la fumée noire s’assembler comme pour signifier quelque chose. Une partie du ciel est bleue, mais l’autre est blanche. Des oiseaux arrivent en bande pour danser au-dessus des collines et des nuages. Ils font des cercles, des triangles croisés avec d’autres formes. Ils m’enchantent. Ces oiseaux sont de toutes les couleurs. Je les distingue clairement et je pense que ce sont des débris d’étoiles tombés par hasard sur ma ville natale, sur ce matin de septembre, sur mes cinq ans et mon désir de les rejoindre. Quant à la fumée, c’est celle des potiers qui fabriquent des bols et des plats, bien avant l’arrivée du plastique», indique-t-il dans le catalogue de l’exposition.
Durant toute sa vie, Tahar Ben Jelloun n’a jamais cessé de dessiner ou d’écrire. Il va de l’un à l’autre avec la même passion, la même musique, le même besoin de dire et de témoigner. «Le foyer de mon énergie ne sait pas attendre ni perdre son temps. Encore quelque chose qui vient de l’enfance et du fait que je ne jouais à rien, parce que j’étais malade. Jouer c’est faire semblant de vivre, de risquer et d’inventer quelque chose. Or, quand je n’écris pas, ou quand je n’ai pas une toile posée sur la table, je regarde un vieux film des années quarante-cinquante et cela me nourrit. Il m’est arrivé d’arrêter le film et de me remettre au travail».