ALM : Professeur Motaouakkil, vous êtes le président en exercice de la SMSM, entouré d’un comité très dynamique, qu’elle est la place de cette société dans le paysage médical national ?
Motaouakkil Saïd : La Société marocaine des sciences médicales (SMSM) est née en 1973 de la fusion de la Société marocaine d’hygiène et de médecine (1923) et la Société de chirurgie (1945). Depuis l’Indépendance du Maroc, cette société a permis au monde médical marocain, maghrébin et étranger d’échanger ses expériences et ce à l’occasion de ses congrès nationaux et maghrébins. Elle a rendu possible la création des sociétés de spécialités, en préservant sa vocation première qui est la formation médicale continue, la constitution d’un espace de débat sur les questions posées aux professionnels de la santé au Maroc et la promotion d’une réflexion sur la recherche dans le domaine des sciences de la santé.
Il importe de rappeler que la Société marocaine des sciences médicales a consacré une large place dans ses congrès aux problèmes de l’accès aux soins, à l’Assurance-maladie obligatoire, à l’ensemble des questions relatives à l’accès physique, géographique, financier aux soins. En 2004, le thème débattu est «Les urgences et la médecine de catastrophe». En 2005, notre 24ème congrès a été consacré à la prise en charge du cancer au Maroc.
La formation médicale continue est aujourd’hui incontournable pour qu’un praticien exerce son métier dans des conditions professionnelles répondant aux standards internationaux. Quelle appréciation portez-vous sur cette formation continue ?
Un des objectifs principaux des sociétés savantes est la formation médicale continue. La formation des médecins est un continuum et doit se prolonger au-delà du cursus universitaire dans les Facultés de médecine, eu égard au développement des sciences médicales et à la remise en question permanente des données scientifiques. D’autre part, la médecine devient de plus en plus technique, s’adressant à des malades de plus en plus fragiles et à l’émergence de nouveaux risques sanitaires, nécessitant en permanence une mise à niveau actualisée des connaissances. Le médecin est astreint moralement à cette formation continue par le serment d’Hippocrate.
Dans plusieurs pays développés, cette formation médicale est rendue obligatoire. La société marocaine des sciences médicales a organisé un débat national sur la problématique de la formation médicale continue lors de son 14ème congrès national qui déjà en 1994 a recommandé la création d’une agence nationale pour la formation médicale continue. Et les médecins marocains manifestent constamment une forte demande pour cette formation continue lors des manifestations scientifiques organisées par les sociétés savantes nationales et étrangères.
Le patient a certainement besoin d’être pris en charge au niveau des prestations médicales de façon univoque au regard des protocoles et des consensus. Quel est votre point de vue pour la gestion coût/dépense médicale ?
Il est classique de dire que la santé n’a pas de prix, mais les soins ont un coût qui est supporté par la société. Les dépenses de santé posent de sérieux problèmes au niveau mondial et leur maîtrise constitue un défi aux économistes de la santé ainsi qu’aux professionnels. Un des moyens de la maîtrise de ce coût est l’organisation de conférences de consensus par les experts pour harmoniser les protocoles de soins en choisissant les thérapeutiques les plus adéquates et les plus adaptées à un pays, en tenant compte des données médicales scientifiquement démontrées avec un meilleur rapport coût/efficacité.
L’Assurance-maladie obligatoire (AMO), projet d’une nation, a des contraintes budgétaires, le médecin, lui, a des contraintes liées aux résultats. Comment concilier cette péréquation ?
L’avènement de l’Assurance-maladie obligatoire est une avancée importante dans notre histoire, elle permettra avec le temps et malgré les difficultés de démarrage et les contraintes budgétaires de faciliter l’accès aux soins du citoyen marocain. Cet accès sera plus large avec le RAMED (Régime de couverture pour les économiquement faibles).La performance d’un système de santé est étroitement liée au niveau de développement socio-économique d’un pays. Un des principes fondamentaux de tout régime de couverture est le respect de l’équité et l’efficience, mais la maîtrise des coûts, l’angoisse compréhensible des gestionnaires de santé face aux dépenses imposent une vigilance de la part des prescripteurs de soins en opérant des choix parfois douloureux mais sans oublier qu’on doit prodiguer les meilleurs soins pour le patient. C’est notre souci majeur.
Vous êtes également chef du service de réanimation médicale au C.H.U Ibn Rochd, c’est-à-dire que vous gérez des situations très critiques. Qu’apporte la médecine d’urgence dans le système de santé ?
En raison de l’évolution démographique de la population, des risques encourus par l’Homme en rapport avec un milieu environnant de plus en plus agressif, les accidents de la voie publique, les catastrophes naturelles…les services sont de plus fréquemment sollicités par la population.
Les équipes médicales d’urgence doivent être formées à la gestion des urgences et répondre aux attentes des populations en détresse. Les circuits des urgences doivent être accessibles à tous et en permanence. Dans les pays développés, le public a acquis le réflexe d’appeler les structures d’urgence extra-hospitalière en priorité amenant l’hôpital à sortir de ses murs. Au Maroc, la médecine d’urgence est devenue une spécialité médicale à part entière, des efforts louables ont été consentis par le ministère de la Santé publique pour la mise à niveau des services d’urgence et leurs équipements. Le secteur libéral de son côté s’est doté de structures performantes pour faire face à l’urgence dans un cadre extra-hospitalier. Il faut, par ailleurs, louer l’effort fourni par la Protection civile marocaine ainsi que les services de l’armée marocaine dans les situations d’urgence et les situations critiques. Les unités d’aide médicale urgente publiques sont en cours d’installations au Maroc grâce à un plan national ambitieux piloté par le ministère de la Santé. Notre souhait est l’optimisation des moyens disponibles pour une bonne gestion de la médecine d’urgence, afin de répondre dans les meilleurs délais à la détresse vitale dans un souci d’efficacité et d’efficience.