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La télévision palestinienne a demandé à la SNRT des épisodes de «Macharif» pour les diffuser cette saison

© D.R

Entretien avec Yassin Adnan, poète nouvelliste et journaliste

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Passionné de lecture, de poésie, de sciences, de lettres et de tout ce qui a trait au savoir, Yassin Adnan est aujourd’hui ce profil avec un potentiel très consistant, qui est sur plusieurs volets en même temps, de la poésie aux romans, en passant par les médias. Mais c’est à travers l’émission culturelle «Macharif» que M. Adnane va se confirmer dans son rôle d’intellectuel. On va le découvrir, le connaître  et l’apprécier à la télé. Aujourd’hui, sa réputation va bien au-delà des frontières nationales jusqu’au Moyen-Orient et en Europe.

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ALM : Quel est le secret du succès de votre roman «Hot Maroc» non seulement au Maroc mais aussi en Egypte où il a été réédité ?

Yassin Adnan : Ce sont les sujets de société à l’image d’un Maroc en mutation, le personnage principal de Rahhal Laouina – lâche et mou dans la vie réelle – qui se transforme en protagoniste redoutable à la cyber-vie, et la langue utilisée dans l’œuvre qui ont peut-être contribué à ce que vous qualifiez de succès. «Hot Maroc» est la preuve d’une œuvre écrite en langue arabe moderne permettant d’élargir le cercle des lecteurs. D’ailleurs, un grand nombre d’amis francophones a trouvé sa langue accessible. A leur tour, des lecteurs égyptiens et issus d’autres pays arabes m’ont affirmé que ce roman a dissipé leurs craintes quant au dialecte marocain. Bien que j’aie utilisé le dialecte marocain, j’ai veillé à l’élucider pour le lecteur oriental. J’estime que la communication linguistique exige un effort et que les écrivains peuvent contribuer à réduire l’écart entre la langue littéraire et le dialecte, voire entre notre dialecte marocain et le lecteur oriental qui pourra lire les œuvres marocaines comme nous le faisons avec les leurs.

Que pensez-vous du débat autour de l’enseignement en dialecte marocain ?

Je pense que le dialecte marocain, en tant que continuité naturelle de l’arabe dans son interaction avec des influences linguistiques locales et internationales, existe déjà en tant qu’outil de communication pour l’enseignement. Pour sa part, l’arabe littéraire moderne a réussi à constituer la base linguistique d’un arabe standard largement populaire. D’ailleurs, la langue utilisée dans les différents médias, sur Internet, à l’école, dans le débat public est un mélange entre le dialecte, l’arabe littéraire et une langue intermédiaire entre les deux. L’un ne pouvant être séparé de l’autre. Or, ce qui me dérange c’est que certains qui militent pour le dialecte en dispensant un enseignement par cette langue le font par ignorance de la langue arabe. Et je crains que certains Francophones, qui ne se connaissent pas en arabe et prétendent défendre le dialectal, ignorent plus le dialecte marocain que l’arabe. En fait, le dialecte ne se limite pas au charabia baragouiné dans les salons de la bourgeoisie citadine. Le dialecte marocain est une langue littéraire par excellence et riche en poésie de malhoun, contes et proverbes. Je crains aussi que l’enseignement en arabe moderne s’avère plus facile que par le dialecte, ou plutôt les dialectes, pris pour solution.

Est-ce vrai, à votre sens, que la langue arabe contribue à la dégradation de l’enseignement ?

Il serait ridicule d’imputer tous les problèmes de l’enseignement au seul bouc émissaire/langue. Depuis le plan d’ajustement structurel du FMI, le secteur de l’enseignement public continue d’être considéré comme secteur non productif par les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 80. Le Conseil supérieur de l’éducation, dont nous attendons la contribution à la mise en place d’une feuille de route destinée à «sauver» l’enseignement, rassemble des faux experts qui raffolent des faux débats… Alors qu’en réalité, on continue à engager des enseignants sans encadrement pédagogique préalable.

Que pensez-vous du statut actuel de la langue arabe ?

Nul besoin de défendre le statut de l’arabe en tant que langue vivante qui occupe le 5ème rang à l’échelle internationale en termes de communication. C’est la langue officielle de 25 Etats et le nombre d’utilisateurs de la langue arabe sur le Net est à environ 62 millions sans oublier que 300 millions parlent l’arabe de par le monde. Donc l’arabe a de fortes capacités objectives. J’ai pitié de ceux qui, par ignorance, comparent l’arabe au latin ! En rejetant la position appelant à anéantir l’arabe en tant que langue qui n’évolue pas, je rejette également les discours qui cherchent à la sacraliser et à la momifier. Ainsi, les deux avis portent atteinte à l’arabe en tant que langue vivante et créatrice.

L’émission «Macharif» que vous animez réalise un succès important. Auriez-vous des chiffres d’audience? Comment se positionne-t-elle dans le paysage audiovisuel ?

«Macharif» n’est pas une émission de divertissement grand public pour subir la dictature de l’audimat. Par contre, nous sommes fiers parce qu’une émission d’utilité publique a désormais une base de téléspectateurs fidèles composée d’hommes de lettres, intellectuels, universitaires, enseignants, chercheurs, étudiants outre les intéressés par la chose culturelle issus de différents secteurs et franges sociales. Nous sommes également fiers de l’appréciation faite à l’émission par les milieux culturels arabes. Pour rappel, la télévision palestinienne rediffuse des épisodes de «Macharif» cette saison. L’animation de l’émission en langue arabe moderne fait que celle-ci est bien accessible à la fois au Maroc et dans le monde arabe.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que votre émission n’a pas de caractère polémique ?

C’est plutôt un choix. «Macharif», qui n’est pas une émission de polémique, est loin de s’impliquer dans des débats éphémères. Mais nous participons au débat public en traitant les sujets qui suscitent la polémique dans un cadre sérieux. Je n’oublierai jamais quand le grand Abdallah Laroui a polémiqué avec Noureddine Ayouch dans une émission de débat télévisé à propos du dialecte marocain. Le débat polémique n’a fait qu’appauvrir le débat et Laroui n’a pas pu mener une argumentation efficace. A «Macharif», nous avons pris le recul nécessaire et invité un grand linguiste, Abdelkader Fassi Fihri, non pas pour faire le show mais pour aborder sérieusement des questions sérieuses.

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