Culture

La vie courante des Juifs marocains

Le livre de Simon Lévy se constitue d’un ensemble de textes : articles, communications, entretiens et contributions à des publications collectives. Ces textes ont un dénominateur commun : ils traitent de la communauté juive au Maroc. Le Livre de Simon est très bien documenté. C’est un livre de chercheur qui ne livre pas le résultat de ses recherches seulement au cercle confidentiel de ses pairs, mais à des lecteurs d’horizons divers. Livre fluide dans ses articulations, clair et bien écrit. Il a les mérites d’un ouvrage scientifique (la rigueur de l’analyse, les notes de bas de page, la documentation très fouillée), mais ne verse pas dans le côté jargonneux, la manie terminologique de ceux qui cherchent à en imposer pour pallier le peu de substance des idées. On peut toutefois reprocher à ce livre quelques redites, mais la redite est inévitable lorsqu’il s’agit de rassembler dans un ouvrage un ensemble de textes traitant d’un même sujet. Le livre de Simon Lévy est une histoire sociale des Juifs marocains. Il est à placer sous le signe de l’urgence ; son auteur tente de retracer une histoire vieille de quelque 2000 ans. Simon Lévy déplore le départ des Juifs marocains. Il semble craindre que 2000 ans d’histoire ne s’effacent au bout de quelques années. Les textes composant son livre découlent aussi de cette appréhension. Simon Lévy reconstitue les mille façons dont la population juive a enrichi le patrimoine culturel marocain. La production littéraire, le vêtement, l’architecture, la liturgie, la musique, l’artisanat, rien de ce qui fait la spécificité et la richesse de la culture des Juifs marocains n’a échappé à l’analyse de Lévy. L’intérêt du livre réside dans la reconstitution de la quotidienneté de la communauté juive. L’auteur est particulièrement attentif à la vie de tous les jours, aux bruits des commerces, aux odeurs des repas. Il ne cherche pas l’événementiel, mais traque les détails les plus banals, les seuls en réalité capables de nous présenter la vie courante des Juifs marocains. Par ailleurs, Simon Lévy est particulièrement attentif aux interactions entre la culture juive et la culture arabo-amazigho-musulmane. La spécificité juive ne se résout jamais en d’autres cultures, mais contribue par ce qui la particularise à la richesse de la culture marocaine. En dénombrant les zones de pénétration de la culture judaïque avec la culture musulmane, Simon Lévy n’a de cesse que de montrer une toile avec des tissages judaïques. C’est de cette spécificité que participent par exemple son intérêt pour la langue parlée par les Juifs dans les différentes régions et les petites transformations phonétiques qui caractérisent les parlers de cette communauté. Le livre de Simon Lévy n’est pas une hymne naïve au modèle de cohabitation entre Marocains de confessions diverses. Les périodes de l’Histoire où tout ne fut pas rose (particulièrement sous le règne des Almohades) n’ont pas été occultées. Les mesures vexatoires à l’égard des Juifs sont mentionnées. Des hauts et des bas donc, mais Lévy s’enthousiasme infiniment plus pour les hauts qu’il ne se laisse écrouler sous le poids des bas. Au demeurant, Simon Lévy place toujours les faits dans leur contexte socio-économique, ne cite pas une période où les Juifs ont essuyé quelques exactions sans se demander : qu’en était-il du côté de la population musulmane ? C’est là l’un des mérites du livre. Les historiens s’intéressant au judaïsme au Maroc cèdent souvent à la tentation de décrire des Juifs accablés par la misère et la famine, pendant certaines périodes, sans dire que nombre de leurs compatriotes musulmans n’étaient guère mieux lotis.

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