Peu de choses étonnent vraiment par leur nouveauté dans les métiers participant de l’artisanat au Maroc. Dans très peu de choses se révèle une innovation qui nous invite à écarquiller les yeux. Tout n’est que copies et viles reproductions de modèles déjà existants. Et l’on aura beau dire que l’artisanat s’oppose à une fabrication en série, et que la marque d’une facture manuelle et personnalisée est présente dans chaque pièce, il suffit de se promener dans n’importe quelle médina pour se rendre compte que les objets qu’on a vus dans la première boutique sont ceux-là mêmes qu’on retrouverait, largement, dans celles qui lui sont adjacentes. Morosité d’un domaine où l’imagination s’exprime, certes, mais elle le fait d’une façon si lente et tellement anonyme, qu’à défaut de nous surprendre lors de son apparition, elle nous accable par sa profusion. La surabondance d’un objet entraîne sa débauche : il n’y a pas lieu de s’enorgueillir de l’avoir choisi, puisqu’il semble appartenir à tous. Le statut de l’artisanat est à la fois ambigu et complexe. Il faut garder à l’esprit que les pièces que l’on désigne aujourd’hui par le terme artisanat ont été d’abord fonctionnelles. C’étaient des objets voués à un usage utilitaire et non pas décoratif. La fonctionnalité des objets artisanaux a quasiment disparu. Elle subsiste dans les campagnes et dans quelques villes «rurales» où les gens utilisent encore des carafes en poterie et autres objets manuellement fabriqués pour leurs besoins quotidiens. Épineuse question que celle de défendre les artisans tout en cherchant à vouer leurs produits à des fins esthétiques. Le mercantilisme menace la création dans l’artisanat. Il ne faut même pas aborder la question de tous les objets commandés, volontairement vieillis, à seule fin de trouver acquéreur chez les touristes étrangers, pour s’en rendre compte. Car, il est certain que les pièces vendues dans les boutiques artisanales ne s’adressent pas à un usage quotidien. Elles sont vendues pour être regardées, montrées et non pas utilisées.