Culture

Le livre, parent pauvre de la culture

© D.R

La majorité des Casablancais ne connaît pas l’existence des bibliothèques communautaires. Et pourtant elles existent bien, ou subsistent plutôt. Nous en avons visité une : la bibliothèque communautaire de Casablanca. L’endroit est impressionnant. Sombre et sans vie, cet espace témoigne d’un terrible abandon. Désert, vide et taciturne. On a du mal à croire qu’il s’agit d’une bibliothèque. Des centaines d’ouvrages rangés n’importe comment, des ouvrages rongés par la poussière, mais aussi par l’oubli,… La bibliothèque communautaire de Casablanca fait partie des monuments historiques de cette ville puisque son contrat de réalisation a été signé en 1912. Elle a été construite en 1918, bien avant le port de Casablanca ! Elle a survécu, par on ne sait quel miracle, à l’outrage du temps et au désintéressement des gens. Elle continue quotidiennement et à heures fixes à ouvrir ses salles de lecture, humbles certes, mais qui proposent une panoplie d’ouvrages à un lectorat de moins en moins intéressé par la culture et le savoir.
Existe-t-il un lectorat marocain ?
La question ne se pose même pas. D’après Abderrahim Mortajine, directeur de la bibliothèque communautaire : «les Marocains ne lisent que lorsqu’ils sont obligés de le faire. Les personnes qui fréquentent la bibliothèque le font donc par obligation. Généralement, elles sont demandeuses de livres scolaires et universitaires. Pis, ce n’est pas uniquement les autres genres d’écrits qui sont boycottés, mais même les journaux. En majorité, elles n’en lisent que les titres. Bref, nous ne sommes pas un peuple de lecteurs».
A preuve, «ce n’est qu’à l’approche des examens scolaires et universitaires que la bibliothèque connaît un flux important de visiteurs». Pourquoi les Marocains ne lisent-ils pas beaucoup ?
Pour M. Mortajine, cela tient au fait que «les Marocains cherchent toujours la facilité», que «lire représente pour eux un effort qu’ils n’ont pas l’habitude de fournir» et que «la lecture a toujours été un extra dont nous pensons très bien pouvoir nous passer». «Lire n’a jamais fait partie de notre quotidien, de nos traditions et de nos habitudes», précise-t-il. D’autres supports portent préjudice au livre. Notamment Internet. Les gens préfèrent le consulter à distance que de se présenter physiquement aux bibliothèques. Ils ne se donnent plus la peine de venir chercher ou emprunter un ouvrage puisqu’ils peuvent en lire l’intégralité ou quelques extraits significatifs sur la Toile. Malgré cela, les responsables de la bibliothèque communautaire de Casablanca ne comptent pas baisser les bras. Ils sont déterminés à lutter pieds à pied. Pour se mettre dans l’air du temps, cet ancêtre des espaces culturels du Maroc changera bientôt de décor et de dénomination. Les travaux de réaménagement vont commencer incessamment et, dans une année, la médiathèque ouvrira ses portes. Pour M. Mortajine «les cassettes vidéo, les DVD et les CD sont le meilleur moyen pour attirer davantage de public, et de faire revivre cet espace qui se meurt».
Autres temples de la lecture, les Instituts français ont meilleure mine et attirent davantage de lecteurs. La raison est très simple. L’Institut français de Casablanca, par exemple, est mieux décoré et plus attirant.  Ses clients, en majorité des jeunes, ne sollicitent pas sa médiathèque uniquement pour s’approvisionner en ouvrages, mais sont principalement attirés par le programme très diversifié qu’il propose. Conférences, colloques, rencontres musicales, cinématographiques et théâtrales, ponctuent son programme d’animation. L’une de ces manifestations : «Lire en fête» est une initiative qui vise à attirer tous les publics et particulièrement les gens qui n’ont pas l’habitude de feuilleter souvent des livres. Cette année, c’est la littérature marocaine qui sera célébrée. Du 2 au 4 novembre, l’Institut français ouvrira donc ses portes à tout le monde, et offrira, trois jours durant, un programme diversifié de rencontres entre les auteurs et le  public. Au menu : cafés littéraires, séance de signatures, rencontres et débats avec de jeunes auteurs marocains d’ici et d’ailleurs. Contrairement à M. Mortajine, Christine Rivet Assad, médiathécaire de cet Institut, estime que la lecture au Maroc se porte suffisamment bien. Pour elle, «les jeunes ne lisent pas plus qu’avant, mais ils lisent mieux. C’est-à-dire qu’ils ont un nouveau regard critique. Ils peuvent désormais débattre et discourir sur l’objet de leur lecture. C’est vrai qu’ils ont une préférence pour la littérature contemporaine, mais cette dernière découle de la littérature classique. Et souvent, la littérature contemporaine incite son lecteur à se pencher sur les anciens classiques». On a beau vouloir la croire, mais la réalité semble autre. En témoigne le fait que la plupart des livres présentés sur les étalages des librairies casablancaises sont des manuels scolaires. Qu’ils soient classiques ou contemporains, les livres ont donc tendance à devenir les parents pauvres de la culture.

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