Culture

Le meilleur des gnaouas dans un CD

L’album est magnifique, mais on ne peut pas l’écouter au Maroc. Il est pourtant enregistré ici et immortalise les grands moments d’une manifestation musicale parmi les plus originales au monde. Le CD en question est introuvable au Maroc, parce que “les distributeurs ont peur du piratage“, précise Neila Tazi, directrice du festival gnaoua musiques du monde d’Essaouira. “Ça nous attriste de ne pas le vendre ici, mais personne n’accepte de prendre ce risque“. Le fantôme du piratage a été tellement effrayant cette fois-ci qu’il a tout bonnement empêché l’avènement de l’objet qui pouvait se prêter à son action. Pour le moment, l’album, intitulé “Essaouira festival gnaoua“, est vendu en Europe au prix de 18, 5 euros. La qualité de l’enregistrement n’a rien à envier à ce qui se fait de meilleur dans le monde. Le CD vient à point nommé pour donner une mémoire auditive au festival. Il manquait au festival d’Essaouira un disque pour semer la sorcellerie de la musique gnaoua aux quatre coins de la planète. Pour les inconditionnels de cette manifestation, cet album ne sera pas seulement une somme de musiques. Chaque morceau renvoie à un moment de fête inoubliable. Le son met sous les yeux des moments vécus. Dans “Sadati Manayo“, le farouche maâlem Mahmoud Guinéa accepte à contrecoeur la présence d’instrumentistes étrangers. Il élève encore plus haut la voix, son guembri se fait menaçant et les crotales de sa troupe accentuent le caractère gnaoui de sa musique. Les musiciens étrangers à sa troupe osent quelques timides incursions. La batterie de Karim Ziad ajoute du rythme, le saxophone de Julien Lourau prend de l’assurance en constatant la témérité des autres. Le piano de Boran Z se mêle de la partie pour donner une densité orchestrale au morceau interprété par Mahmoud Guinéa. L’attitude arrogante de ce dernier, qui pouvait agacer dans un concert, prend une autre signification dans un album. La fusion ou word-music n’est pas un rassemblement convenu entre les musiques de deux mondes. Pour Mahmoud Guinéa et à un moindre degré, maâlem Mustapha Bakbou, le guembri entre en conflit avec les autres instruments. Le concerto classique est également construit sur un dialogue vif entre un instrument et le reste de l’orchestre. Ce dialogue prend parfois l’allure d’une lutte, en raison du tempérament fougueux de certains musiciens. Le grand pianiste américain, Glenn Gould, refusait à un orchestre constitué d’une trentaine d’instruments de dominer son piano. Il entrait en conflit avec les autres. L’insolence de Mahmoud Guinéa ressemble à celle de certains musiciens de caractère. Chaque concert est l’occasion d’un conflit pour prouver leur présence. Les autres morceaux de l’album ne manquent pas d’intérêt non plus. Treize interprétations célèbrent toutes l’esprit fusion qui fonde le festival d’Essaouira. Maâlem Hamid El Kasri et le clavier magique de Jean-Philippe Rykiel. Maâlem Abdelkbir Marchane qui met son guembri au diapason avec la guitare basse de Linley Marthe. L’album dispense d’autres grands moments. Mais à quoi bon en parler avec enthousiasme quand on ne peut pas acheter l’album au Maroc. Cet article s’en ressent. Il ressemble au supplice de Tantale.

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