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«Le point de bascule», un vingtième essai de philosophie de Abdelhak Najib : Variations sur l’inévitable

© D.R

Parution : L’écrivain, poète et penseur, Abdelhak Najib, vient de boucler son vingtième essai de philosophie, avec un ouvrage ancré dans l’actualité du monde, publié aux Éditions Orion. «Le point de bascule» est une réflexion très pointue et sans concession ni compromis sur l’évolution d’un monde en manque de repères, un monde en perdition, qui chemine doucement mais sûrement vers sa chute.

Le titre à lui tout seul nous informe sur ce qui suit dans cet essai au hachoir sur l’actualité du monde aujourd’hui, entre guerres, crises à répétition, clivages, polarisations, récessions de tous genres et beaucoup d’incertitude pour le futur de cette humanité livrée à elle-même, dans un univers de plus en plus hostile et barbare. «Le point de bascule», cet instant précis où l’on touche à la fin d’un cycle et l’on chute dans une descente à tombeaux ouverts dans l’inconnu. D’ailleurs, d’emblée, Abdelhak Najib nous annonce son propos, sans détours : «Nous savons tous que la chute de cette dite civilisation est proche, mais on y va tête baissée.

On y va parce qu’on n’a plus le choix. Croire le contraire est la pire des erreurs à faire aujourd’hui. La marche vers le désastre est inévitable. Voici le constat à froid sur un monde finissant. Car prendre des mesures draconiennes pour sauver les meubles peut engendrer le chaos aujourd’hui. Logiquement, pour toutes les grandes puissances économiques et financières, il est préférable d’ajourner la catastrophe. 10 ans. 20 ans. 30 ans. Avec l’espoir illusoire qu’un miracle peut se produire. Nous en sommes arrivés à ce stade. Attendre un miracle. C’est l’unique porte de sortie pour cette civilisation. Évidemment, aucun miracle ne pointe à l’horizon».

Tipping point
Ce que nous dit ici le penseur, c’est que c’est déjà trop tard puisque nous avons déjà dépassé le tipping point et nous avons déjà entamé notre chute dans le vide. Pour l’auteur de «Inhumains», nous avons une date butoir pour jeter l’éponge. Parce que rien ne va plus. Les scénarios qui se profilent ne sont pas nombreux. Il y en a deux. Le premier est de céder au chaos et de laisser la nature et les humains faire. Sachant que la nature finira par prendre le dessus et les humains auront livré un dernier combat pour s’exterminer. Le deuxième scénario consiste à tenter de recommencer sur des bases simples : économies régionales très réduites, économies résilientes, construire un semblant de résistance autour de quelques poches d’humains unis pour dépasser le chaos, revenir à un système de survie, avec le strict minimum, en attendant que la Terre se régénère. Pour l’auteur de «Et que crève le vieux monde», le premier scénario peut aussi dépendre du second et vice-versa. On peut d’abord vivre plusieurs décennies de guerres civiles, de conflits régionaux, d’invasions, de génocides, de désastre global avant de se résoudre à repartir presque de rien, pour survivre.

L’attraction du désastre
Abdelhak Najib précise : «La théorie du chaos se décline selon les régions. Les pays les plus riches sont les premiers à s’effondrer. Économies volatiles dépendant de plusieurs paramètres connectés les uns aux autres. Il suffit qu’un secteur lâche pour que la chute suive. Par exemple : si la bulle de l’immobilier éclate, tout le reste s’émiette. C’est un château de cartes qui s’éparpille. Plus de Bourses, plus de banques, plus de garde-fous. Les sociétés des pays les plus riches vont éclater. C’est l’explosion qui succède à l’implosion. Cela engendre immanquablement des manifestations de grande ampleur, des millions de personnes dans les rues à demander de la nourriture, des scènes de pillage, des incendies, des barricades, des affrontements avec les forces de l’ordre, puis avec les armées donnant corps à des boucheries urbaines sans précédent. La police et l’armée vont tenir le temps qu’elles peuvent, puis elles vont se résoudre aux évidences : c’est fini. L’armée ne peut plus défendre un État ruiné. L’adieu aux armes sonne le glas des gouvernements qui pourront garder, pour un temps défini et court, la main sur quelques territoires avant de céder et de se dissoudre laissant le champ libre à des méthodes de survie embryonnaires».

Chacun pour soi
Pour l’auteur de «La vérité est une zone grise», ce n’est pas là un scénario inédit. Loin de là. Nous l’avons vécu avec la catastrophe naturelle Katrina. 20 % des forces de l’ordre ont quitté leur poste préférant sauver leur peau que de servir un État dépassé par les eaux. C’est chacun pour soi dans des organisations rudimentaires autour d’un point d’eau pour l’approvisionnement, pour une agriculture élémentaire, avec un retour à l’élevage : des poules, des brebis, des moutons et des porcs. Pour Abdelhak Najib, «C’est désormais l’économie du strict nécessaire pour de petits groupes, qui finissent par se lasser de se livrer des guerres avec la fin des munitions. Des régions entières vont compter les morts et les réfugiés par millions (à l’horizon 2050, les rapports parlent de 300 millions à 1 milliard de réfugiés climatiques poussés par la famine et le manque d’eau). À cause du manque d’eau, des pénuries des produits alimentaires de base, à cause du manque d’électricité et de gaz, des régions entières vont s’enflammer pour la survie des plus résilients».

L’auteur de «La dignité du présent» nous donne des indices clairs et évidents, comme celui-ci : à titre d’exemple, le Parisien ne peut pas tenir plus de 72 heures sans eau, sans restaurant, sans électricité, sans métro, sans son Delivery, sans son Fast Food, sans sa voiture, sans son smartphone, sans son ordinateur portable, sans ses cartes de crédit… Il dépend de tellement d’objets, que sans eux, il abdique. «Par contre, souligne l’auteur de «Le vol d’Icare», une personne qui vit au fin fond du Périgord, pourra tenir plus longtemps et organiser sa survie selon un schéma bien simple : rationner la nourriture, cultiver quelques légumes, élever quelques poules et signer des pactes de non-agression avec les voisins, qui, eux, de leur côté, font pareil pour maintenir un équilibre des plus fragiles, mais viable. Idem pour le citoyen américain qui vit à New York, Los Angeles, Chicago, Boston, Washington…, aucune chance de tenir plus de trois jours sans les attributs de la civilisation moderne.
Le point de bascule. Abdelhak Najib.
Philosophie. 240 pages. Décembre 2022. Disponible en librairie.

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Une planète à sauver
«Au-delà du chaos social, au-delà des conflits et des scènes de boucherie entre populations, il faut bien refroidir ces bases nucléaires pour éviter un autre Tchernobyl ou Fukushima. Comment y arriver en l’absence d’eau, d’électricité et de moyens de transport ? Au chaos s’ajoute la menace d’un holocauste nucléaire inévitable. Ce sont des centaines de Tchernobyl qui vont avoir lieu partout dans le monde où des centaines de centrales sont en marche, ce sont des désastres apocalyptiques décimant tout avec leurs nuages radioactifs. Qui vont couvrir toute la planète, déjà asphyxiée par les gaz à effet de serre».

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