"Je n’y vois plus comme avant. Mais je n’ai même pas de quoi me payer un médecin, je ne gagne pas plus qu’un paysan", se lamente Ashraf Hosseini, une vétéran de 55 ans parmi les quelque deux millions de fabricants de tapis iraniens, devant son métier dans un sous-sol de sa minuscule maison de Téhéran. Dans le sud populeux de la capitale, tous ses collègues reconnaissent que ce qui fut une lucrative activité artistique ne rapporte plus. "Tisser un tapis est devenu comme creuser un tunnel avec une cuiller à thé. On ne gagne pas grand-chose et l’argent met du temps à rentrer. On a parfois l’impression d’être un esclave", raconte Soqra, 15 ans, qui touche 40.000 rials par jour (5 USD) pour dix heures de labeur fastidieux.
Les marchands (bazaris) ne cachent pas que le tapis iranien, la première industrie non-pétrolière du pays à l’exportation (530 millions de dollars par an pour environ 60 millions de mètres carrés), est en proie à une crise grave. Les bazaris invoquent une compétition internationale de plus en plus féroce. Les dhurries indiens, aux couleurs vives mais à la confection moins sophistiquée, ont rogné des parts de marché considérables aux Chiraz, Tabriz, Qom ou Ispahan dont les prix donnent souvent à réfléchir et dans lesquels on investissait en Iran comme dans la pierre.
"Les étrangers n’ont pas les mêmes goûts que nous, mais personne ne s’est vraiment soucié de ce qu’ils attendaient", observe Ali Bidani, qui a passé 20 de ses 37 années de vie dans l’échoppe familiale du bazar grouillant de Téhéran.
"Nous offrons toujours les mêmes modèles, et nous ne savons même pas les commercialiser. Avant, l’Iran, c’était le numéro un. Aujourd’hui, il n’est même plus dans les trois premiers", dit-il, jalousant les stratégies commerciales des Chinois, des Indiens ou des Pakistanais.