Que l’on ne s’imagine pas qu’il s’agit d’un travail pour chercheurs aguerris. L’un de ces livres dont sont friands les vieux étudiants en binocle. L’un de ces ouvrages qui requièrent un silence de mort dans les bibliothèques, et qui s’adressent seulement à la gent des rats de bibliothèques. Il est certes bibliographique, c’est-à-dire qu’il répertorie d’une façon exhaustive les publications relatives à un sujet. Mais il n’en demeure pas moins qu’il peut intéresser aussi bien les chercheurs, que les lecteurs curieux.
C’est d’ailleurs là que réside son originalité. En effet, Arrik Delouya ne se contente pas de répertorier le nom de l’auteur, le titre, la langue de la publication, sa date de parution ainsi le sujet qui y est traité. Il annote certains écrits recensés. Des notices succèdent ainsi parfois au titre de la publication. Ces notices permettent de se faire une idée sur le contenu du livre.
Arrik Delouya opte souvent à cet égard pour les extraits les plus suggestifs de la publication en question. De telle sorte que le lecteur peut lire cette bibliographie comme un ensemble de notice distinctes, mais traitant d’un thème commun. Les extraits des publications donneront de surcroît aux lecteurs une instruction substantielle sur plusieurs sujets. Ainsi cette phrase extraite d’une publication : « Comment se fait-il que dans le milieu marocain, où en général le juif était méprisé, la vénération commune de saints était possible, que les musulmans vénèrent les saints juifs et viceversa ? » Des phrases de ce type sont très nombreuses. Elles font en sorte que cette bibliographie se lit de la même façon que n’importe quel autre livre. Par ailleurs, «Les Juifs du Maroc, bibliographie générale» est un travail monumental. Il recense 3000 textes publiés en plusieurs langues : arabe, hébreu, français, anglais, allemand et espagnol.
Du point de vue scientifique, son apport est considérable. Il facilite la documentation à de nombreux chercheurs. Pourtant, l’ambition de toute bibliographie est d’être, illusoirement ou pas, utile aux étudiants, aux chercheurs, aux bibliothécaires, aux libraires ou aux simples curieux intéressés par un sujet déterminé. Cette ambition a certes conduit l’auteur à recenser une somme considérable d’écrits, à voyager de pays en pays, à brasser les fiches, à écumer les fichiers des ordinateurs… Mais la collecte a été si considérable qu’elle lui a fait oublier d’adopter un plan d’ouvrage avec des index de nature à permettre plusieurs entrées. L’inventaire des écrits relatifs à la culture judéo-marocaine obéit à un ordre alphabétique.
Cet ordre est malheureusement insuffisant pour un travail de cette taille. Il faut au moins un index des lieux, un index par thème, et un index chronologique. Ces index qui peuvent être ajoutés à la fin de l’ouvrage en faciliteront la consultation. Imaginons qu’un lecteur ait besoin de se constituer une bibliographie sur la bijouterie juive au Maroc. Il devrait alors lire les 645 pages du livre d’Arrik Delouya pour avoir une idée exhaustive sur le sujet.
Un index sur les arts juifs à la fin de l’ouvrage lui aurait épargné cette peine. Cela dit, il n’en demeure pas moins que cet ouvrage est d’un intérêt capital. Il réserve d’ailleurs de belles surprises aux lecteurs. Le fond iconographique en constitue certainement une. Le lecteur sortira d’ailleurs de cette lecture avec le coeur chargé. La tonalité d’ensemble est celle du regret, du déracinement, de la privation du Maroc d’une composante essentielle de sa culture. Cette bibliographie participe d’ailleurs d’une urgence, celle de la mémoire, pour que le temps n’efface pas ce qui a été.