ALM : Votre association vient d’organiser un atelier sur la chromo-endoscopie. Pouvez-vous nous en parler davantage ?
Benhayoun Kamal : Comme vous le savez, l’endoscopie est celle qui fait la spécificité du gastro-entérologue. Comme les autres domaines de la médecine, l’endoscopie digestive connaît des progrès énormes tant au plan diagnostic que thérapeutique. Le suivi, la formation et la vulgarisation de ces avancées techniques au niveau national font partie des objectifs de notre association. La chromo-endoscopie ou la chromoscopie en fait partie. Grâce à l’injection de colorants au cours de l’endoscopie digestive (fibroscopie ou coloscopie), cette technique améliore de façon significative le diagnostic des lésions en relief et permet ainsi le dépistage et le diagnostic précoce de beaucoup de maladies dont le cancer.
Cette manifestation a eu lieu lors d’une journée commune avec les chirurgiens et les cancérologues dans un cadre multidisciplinaire autour des cancers colo-rectaux et celui du sein. On sait que plus un cancer est connu tôt, plus son traitement sera efficace. Comment se manifeste le cancer du colon ou du rectum et que conseillez-vous pour le prévenir ou tout au moins le reconnaître tôt ?
Plusieurs manifestations isolées ou associées peuvent révéler le cancer colo-rectal. Le maître symptôme est la rectorragie ou émission de sang rouge par l’anus : symptôme souvent dangereusement banalisé car rapporté à des hémorroïdes. Il peut s’agir d’un trouble récent du transit à type de diarrhée ou de constipation, de douleurs abdominales, d’un amaigrissement inexpliqué. Le cancer colo-rectal peut être révélé par une anémie, un syndrome occlusif c’est-à-dire un blocage intestinal, ou à l’occasion d’un dépistage suite à la découverte d’un cas dans la famille. Le moindre doute doit conduire à la pratique d’une colonoscopie.
La colonoscopie est donc l’examen-clef pour un diagnostic précoce. Pour rassurer nos lecteurs, comment se fait cet examen? Quels renseignements apporte-t-il ? Quand doit-il être proposé et à quel rythme ?
Après une préparation colique (lavage du colon par absorption d’un produit ou des lavements), la colonoscopie se pratique en hospitalisation courte sous anesthésie. L’anesthésie permet le bon déroulement de l’examen aussi bien pour le malade (bonne tolérance) que pour l’opérateur (rendement meilleur). La colonoscopie permet le diagnostic du cancer par sa visualisation directe et par les biopsies, prélèvement d’un petit morceau de tissu grâce à une pince. Elle permet aussi de mettre en évidence les polypes, sorte de petite verrue, qui représentent des stades avant le cancer pour certains d’entre eux. Lesdits polypes peuvent être enlevés pendant le même examen dans la majorité des cas. La colonoscopie doit faire partie d’un bilan de santé à partir de l’âge de 50 ans puis tous les cinq ans. Elle doit être faite précocement en cas de signes d’appel ou en cas de risque familial.
Dans votre pratique de tous les jours, quelles sont les maladies les plus fréquentes auxquelles vous êtes amené à faire face ? Quelles sont les difficultés qui interfèrent dans une prise en charge optimale ?
En pratique quotidienne privée, les maladies les plus fréquemment rencontrées sont les troubles fonctionnels intestinaux, à savoir la colopathie fonctionnelle, les troubles de la digestion, les troubles liés au stress, etc. L’hépatite C domine la consultation d’hépatologie. Dans tous les cas, les difficultés matérielles de la majorité de nos patients sont réelles. Cette dimension prend de l’ampleur lorsqu’on veut exercer une médecine préventive et cela quel que soit le statut de la couverture par une assurance-maladie.
Quel est le niveau de la spécialité gastro-entérologique au Maroc et à Casablanca ?
Nous ne pouvons que nous réjouir de la «bonne santé» de l’hépato-gastro-entérologie au Maroc et l’axe Casa-Rabat en particulier. En effet, le haut niveau des réunions scientifiques nationales est reconnu de tous, notamment par nos partenaires français et européens. Il en est de même pour la qualité des soins et les efforts consentis pour la formation médicale continue dans les domaines des hépatites virales ou de l’endoscopie diagnostique et interventionnelle pour ne citer que ceux là, et l’acquisition de matériel de pointe comme la vidéo-endoscopie.
Ne pensez-vous pas qu’il faille ouvrir votre association à l’ensemble des spécialistes marocains dans cette discipline ? Le bénéfice à escompter me paraît évident…
Juste. Notre ouverture est d’abord vers le secteur universitaire et je peux vous dire que notre collaboration avec le service de gastro-entérologie du CHU Ibn Rochd du professeur Cherkaoui est exemplaire. Notre collaboration est également étroite avec nos collègues chirurgiens viscéralistes. Notre main est tendue vers les autres associations régionales pour se constituer en fédération forte, en vue d’aller encore plus loin et démarrer les grands challenges en conformité avec la volonté politique actuelle : l’établissement de référentiels concernant notre spécialité, les études épidémiologiques et la télémédecine, en s’appuyant sur l’informatique et les nouvelles technologies de communication.
Par ailleurs, nous avons créé un site Web qui a été mis en ligne depuis janvier 2006. C’est un site de formation et d’informations ouvert aux gastro-entérologues, mais aussi au grand public et à tous les professionnels de santé : www.agpc-ma.com