Culture

Les arts berbères menacés

Le livre «Art et architectures berbères du Maroc» résulte d’un travail de recherches qui a duré 8 ans. Sans les enquêtes sur terrain, il n’aurait pas été possible à son auteur, Salima Naji, de l’écrire avec autant de minutie. La méthode ethnologique consistant à séjourner, pendant de longues périodes, chez les hommes et les femmes d’une région et à comprendre les fondements de leur vie sociale, a permis ainsi de collecter une masse considérable d’informations sur la partie du Maroc qui s’étend de l’Atlas méridional jusqu’aux vallées présahariennes.
Comprendre la méthode de travail de l’Ecole d’ethnologie française permet de saisir l’approche de Salima Naji. Les notes qu’elle a prises en privilégiant la description et le soin qu’elle a accordé aux informateurs font de ce livre un très sérieux catalogue descriptif des arts et métiers berbères. Ce catalogue exhaustif ne ressemble toutefois pas à un inventaire. D’une part, parce que l’auteur ne cesse d’interroger le sens des objets et des bâtiments dénombrés, et d’autre part, parce qu’elle ne les considère pas indépendamment des hommes qui les ont créés et construits.
C’est donc à un livre de chercheur que l’on aura affaire ici. Ce livre comble incontestablement une lacune en matière d’informations précises sur les bâtiments, les objets et la vie des Berbères. Salima Naji a tout passé au crible, rien de ce qui lui semblait mériter l’appellation art n’a été dédaigné. Les portes, les frontons, les linteaux extérieurs, le bois sculpté, les plafonds, les bâtiments, les techniques de construction, la poterie, les bijoux, les tapis etc., ont été minutieusement étudiés. Le rapport des hommes à leur environnement architectural et l’usage qu’ils réservent aux objets répertoriés ont fait l’objet d’un traitement intense par l’auteur du livre. Il faut d’ailleurs insister sur l’intérêt accordé par Salima Naji aux hommes et aux femmes berbères. Elle a toujours eu le souci de ne pas donner une dimension muséale aux objets décrits, mais d’insister sur leur fonctionnalité et leur symbolique. Il faut savoir que l’architecture berbère abrite encore des hommes et que les tapis et les portes sont voués à un usage quotidien dans leurs demeures. Les frontières entre ce qui est fonctionnel et ce qui est artistique sont extrêmement ténues. L’auteur s’est largement instruite des écrits des ethnologues et des sociologues pour dégager la symbolique des oeuvres avant de les considérer sous l’angle esthétique. Cela constitue la complexité de ce livre dont le titre laisse présager que l’on aura affaire à des formes participant de l’art, tandis que son contenu ne cesse de militer en faveur de la préservation d’un environnement socioculturel menacé de s’inscrire dans le « il était une fois… » légendaire. « Art et architectures berbères » procède de l’urgence.
Urgence d’établir un catalogue descriptif de constructions et objets dans leur contexte, et urgence d’attirer l’attention sur un mode de vie qui se dégrade avec le temps.
Le livre de Salima Naji (28×31 cm., 208 pages, 249 photographies, 45 dessins, 10 plans, 3 cartes) n’aurait pu être publié sans le mécénat de la BMCI. Il faut se féliciter du soutien de cette banque aux projets éditoriaux. Le privé a un rôle à jouer dans la promotion de la culture et la sauvegarde du patrimoine. À cet égard, la politique de la BMCI devrait servir d’exemple.

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