«Je me suis toujours demandé pourquoi est-ce que l’on ne parle jamais des collections des fondations, sinon pour les saluer d’un quadruple hourra !», s’étonne le peintre Farid Belkahia. Son étonnement s’explique par une tendance globale remarquée, les deux dernières années, chez plusieurs fondations qui possèdent une collection d’oeuvres plastiques : elles ont soit limité leurs acquisitions, soit carrément arrêté d’acheter. L’une des plus importantes collections d’oeuvres de peintres marocains appartient à la Fondation de l’ONA.
Selon plusieurs professionnels des arts plastiques au Maroc, cette fondation n’achète plus. Et elle n’est pas la seule, même si les responsables de communication à la BCM, également dépositaire d’une impressionnante collection de peintures, ainsi que ceux de la Société générale affirment toujours acquérir des oeuvres. Rhita Triki, responsable de communication à la BCM, concède néanmoins que les acquisitions ont «ralenti». À cela, il existe plusieurs raisons. «Les fondations estiment qu’elles ont acheté suffisamment d’oeuvres, qu’elles ont une collection, qu’elles se sont acquittées d’un devoir. Et puis ça suffit ! C’est dommage, parce que le propre d’une collection est de respirer la vie», estime le peintre Fouad Bellamine. Les fondations verrouillent ainsi leur collection au bout d’un nombre d’années. Elles embaument les peintres, puisqu’elles ne les accompagnent pas jusqu’au bout de leur aventure.
Une collection fermée est bonne à garnir les salles d’un musée. Le propre de toute collection est de rester ouverte et de s’accroître par de nouvelles acquisitions. Et puis, de nombreuses personnes s’accordent à dire que la collection d’une fondation est l’oeuvre de son PDG. «La BCM a une collection valable grâce à la personnalité de son président Abdelaziz Alami», dit Farid Belkahia.
La fondation de l’ONA a connu son âge d’or, en matière d’oeuvres plastiques, lorsque Fouad Filali était à sa tête. Le choix des acquisitions d’une fondation est ainsi toujours conforme au goût de la personne qui la dirige. Personne ne peut trouver à redire à cela. «Une fondation est une structure indépendante. Elle a la liberté d’acheter qui elle veut, quand elle veut, et d’arrêter d’acheter quand elle le veut. Il faut toujours garder cela à l’esprit», souligne Belkahia. Le hic, c’est que lorsqu’un président éprouve moins de sensibilité que son précédent pour les arts plastiques, c’est toute la collection qui en pâtit. Il n’existe pas en effet une politique d’acquisition claire dans ce sens. Comme il existe rarement une réserve pour conserver les oeuvres d’art. À l’origine, les institutions achetaient des oeuvres pour décorer leurs bureaux.
Au bout d’un certain nombre d’années, les bureaux sont ornés de tableaux. L’idée de créer un fonds s’ensuit. Une fois qu’on juge que la collection du fonds est accomplie, on décide qu’il n’existe plus d’espace pour accueillir de nouveaux peintres. La solution pour que ces fondations restent vivantes et continuent de jouer un rôle dynamisant des arts plastiques dans notre pays, serait peut-être de recycler les oeuvres. Toutes les toiles qu’elles possèdent ne se valent pas pareillement. Il n’y a aucun mal à se défaire d’une oeuvre pour en acheter une autre.