Culture

Les fous de la loterie à la recherche du gros lot

© D.R

La matinée s’annonce très ensoleillée, ce mercredi 23 mai. Sur l’avenue Hassan II à Casablanca, les retardataires pressent leurs pas pour regagner leur travail, alors que d’autres, attablés dans les cafés, prennent le temps de savourer un expresso, l’air déconnecté. Une ambiance, en somme, des plus normales ou presque, car, c’est un mercredi. Cela ne vous dit rien, mais pour ce jeune homme en veste en cuir, c’est une journée qu’on n’oublie pas lorsqu’on est accro aux pronostics des matches de football. «Aujourd’hui, c’est la Champion’s League et il faut que je fasse mes pronostics. Je suis de très près le foot… et puis le jeu est facile, vous savez, et il peut rapporter gros», légitime-t-il. Une démarche habituelle à en croire ce Casablancais pour qui le foot vaut, désormais, de l’or. Mais pour arriver au trésor, il faudra, d’abord, tomber sur les bons pronostics.
Autrement dit, compter sur la chance. Un stylo à bille bleu ou noir (c’est la norme), de la concentration, un esprit Nostradamus et beaucoup de détermination. Car lorsqu’on entre dans ce local étroit de la loterie, les différents tickets de jeux, accrochés un peu partout à l’intérieur comme à l’extérieur, donnent le vertige. Le vendeur, caché derrière la caisse, doit s’asseoir sur un grand tabouret pour surveiller les allers et retours des clients. «Il y en a plus en fin d’après-midi. Là, en début de matinée, ils se font plutôt rares», dit-il. Le travail de ce dernier n’est pas limité, en fait, à la vente des tickets, mais aussi à l’orientation des indécis, de ceux qui ne maîtrisent pas les règles du jeu ou encore des novices.
Comment remplir les cases, les possibilités qu’offre le jeu, les rangs de gains, la validation du bulletin et l’encaissement du gain dans le cas, bien sûr, où la chance se placerait de votre côté. «Pour vous dire vrai, je n’ai jamais gagné ! Je ne joue pas souvent et je me limite au totofoot. Je ne suis pas très friand d’autres jeux où il me semble que le gain est très improbable», confie notre jeune fan de foot. Se limiter à un jeu, c’est aussi limiter ses dépenses, même si l’objectif du gros lot devient, au fil du temps, une obsession. Miser entre 7 et 67 Dh paraît être futile face aux millions que cela pourrait rapporter : «C’est ce qui me pousse à jouer. Il y a des lots, mais aussi de l’argent qui me ferait beaucoup de bien… D’ailleurs, je ne sais pas ce que je vais faire avec… Mais je trouverais bien ! », reconnaît ce jeune en quittant le local. Ticket rempli, mission accomplie. Il n’y a plus qu’à attendre les résultats des matches, ce soir. Il sera peut-être gagnant, on ne sait jamais quand le hasard fait bien les choses.
En tout cas, l’exemple d’El Acil Hassan, rapporté par le site Internet : «www.marocainedesjeux.com» donne envie de persévérer. Hassan, père de famille, a gagné, en août dernier, 306.602DH en misant seulement 20DH. Ce joueur régulier du totofoot venait de réaliser un rêve qu’il attendait depuis 1971.
Parfois, le montant du gain n’est pas aussi important que le fait de gagner en lui-même. Accoudé sur le comptoir, cet autre joueur, qui se dit être un repenti, affirme être venu à l’agence de la loterie juste pour voir son ami, le vendeur. «Je ne joue plus depuis près d’un an. Je dépensais de plus en plus et, une fois que je me suis retrouvé au chômage, j’ai laissé tomber. Je n’avais plus la possibilité de continuer», explique-t-il. Cet ex-joueur garde tout de même un bon souvenir de son expérience dont il reste nostalgique : «Au mois de mars de l’année dernière, j’ai joué au Keno et j’ai gagné 1000DH que j’ai immédiatement dépensé en remboursant un petit crédit que j’avais et en offrant un petit quelque chose à mère». Le fait de gagner l’a tellement marqué qu’il a mémorisé par cœur les chiffres qu’il nous balance rapidement : «ce sont le 3, le 14, le 25, le 26 et le 27» avant d’ajouter : «Si j’avais une possibilité de crédit, je n’hésiterais pas à rejouer. Mais sans profession, c’est impossible, malheureusement».
Rembourser les crédits, acheter une maison, une voiture, fonder une famille, monter un projet, vivre dans l’aisance… Les habitués de la loterie ne savent pas vraiment quoi faire de l’argent qu’ils pourraient empocher, mais personne ne les empêchera de tenter et de retenter leur chance jusqu’au bout. Il est inconcevable, désormais, de pénétrer dans une agence de loterie sans succomber à l’un de ces jeux proposés. Des affiches colorées accrochées à l’entrée : 50 millions, un million… Sur le mur, ce sont les résultats des matches, la liste des gagnants, les numéros gagnants et les dates des prochains tirages que l’on scrute lentement avec l’espoir de faire une belle découverte.
La grille des prochains matches est également exposée pour permettre aux footeux de faire déjà leur projection. «Tous les types de loterie, qu’il s’agisse de case à cocher ou à gratter, marchent bien», indique cet autre vendeur. Là, le local, plus spacieux, offre aux clients une table et des sièges. Ce matin, un homme âgé est là pour s’initier à la loterie. Après la retraite, on opte pour tout type d’activité dont celle de tenter sa chance à la loterie. «C’est plus pour remplir le vide que pour gagner. D’ailleurs, je ne dépense pas trop», déclare-t-il. Les tickets, selon la catégorie de loterie, ne coûtent pas cher, comme le souligne le vendeur : «25 DH pour le loto et le quatro, de 2 à 20 DH pour le Keno et de 5 à 15 DH pour les jeux de grattage».
Ces jeux de grattage justement connaissent une grande affluence, parce qu’ils sont instantanés : on découvre son gain dès le grattage de la zone cible. Ce qui explique la multiplicité de cette gamme de produits servis par La Marocaine des jeux et des sports. «Le dernier gagnant qu’on a eu ici est un jeune qui avait acheté un ticket bravo à 5DH et décroché 10.000 DH», affirme ce vendeur. Eh oui, cela arrive, même si c’est rare. Les accros savent qu’ils ne peuvent pas toujours espérer gagner. Mais qui dit jeu, pour eux, dit espoir, alors ils continuent…

Articles similaires

Culture

Jidar-Street Art Festival à Rabat: 12 fresques murales prennent forme dans divers quartiers

Depuis le 18 avril et sous l’œil intrigué des Rbatis, 12 nouvelles...

Culture

Parution livre: Souviens-toi des abeilles by Zineb Mekouar

Après son premier roman, La poule et son cumin, (JC Lattès, 2022),...

Culture

7ème édition du Festival Gnaoua Show : Une programmation inédite pour célébrer la culture et la musique africaines

Cette manifestation a la particularité d’être fondée par l’Association Hmitti pour la...

Culture

La SNRT forme des étudiants de l’ISADAC aux métiers de la réalisation et la scénographie

Lors des journées de formation organisées les 16 et 18 avril 2024

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux

Articles les plus lus