Dès le premier effleurement, « Rêves de femmes » fait basculer dans le passé. Un véritable voyage dans le temps qui s’achève, afin de commencer l’histoire, dans un univers situé dans le Fès des années 40. Un harem, une fillette, un père instruisant, l’oncle Ali et, bien entendu, des femmes en guise de maîtresses des lieux. Que ce soit Habiba, Tamou, Chama, Lalla Mani ou les autres, l’omniprésence des descendantes d’Eve se fera ressentir à chaque bout de paragraphe. Ajouter au décor de la ville impériale quelques légionnaires venus d’outre-mer pour, finalement, révéler l’atmosphère dans laquelle Fatéma Mernissi plonge le lecteur qui s’aventure entre les lignes de son roman.
Une ligne de démarcation en guise d’introduction au terme de « frontières sacrées » ou, intimement, hudud ; autant de maîtres-mots qui accompagneront les dévoreurs de pages lors des premiers pas de leur intrusion dans les domaines de « Rêves de femmes ». « Quand Allah a créé la Terre, disait mon père, Il avait de bonnes raisons de séparer les hommes des femmes, et déployer toute une mer entre Chrétiens et Musulmans. L’ordre et l’harmonie n’existent que lorsque chaque groupe respecte les hudud. » Le récit, fourmillant de contes où s’entremêlent mystère et magie, que ce soient celles des mots, des sens ou des couleurs qui se dégagent, signe ses prémices sur des formules similaires. Jusqu’à pénétrer, en douceur, dans le fin fond d’un monde ésotérique. En somme, les frontières se tailleront la part du lion, du début jusqu’à la fin du recueil, comme le souligne subtilement l’auteur : « C’est un récit sur les frontières, elles bougent par définition ! »
Rêves de femmes,
Fatima Mernissi, Livre de Poche, 252 pages