Culture

Les parents d’élèves tirent la sonnette d’alarme

© D.R

Jeudi 25 janvier 2007, lycée Al Waha à Casablanca. Les représentants des élèves de cet établissement scolaire public adressent ce jour-là une lettre, assortie d’une pétition, au délégué de Casablanca-Anfa du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique, dans laquelle ils se plaignent d’un manque de professeurs de langue française. Cinq classes de différents niveaux (Bac sciences, Bac littéraire et tronc commun sciences) sont concernées par ce problème qui entrave leur réussite scolaire.  «Durant toute la première session de l’année scolaire 2006-2007, on ne nous a dispensé aucun cours en langue française. (…) Nous avons ainsi décidé de boycotter l’examen du 25 janvier», lit-on dans la plainte des étudiants, qui ont souligné que les cours d’éducation physique n’ont débuté que vers la fin du mois de novembre 2006. Un SOS lancé par ces étudiants en détresse, qui réclament leur droit à l’éducation. Cependant, le ministère de tutelle est resté sourd devant leur appel. «Nous n’avons pas reçu d’écho favorable. Aucune réponse de la part du ministère de l’Education nationale. C’est le statu quo», s’indigne Soufiane Nehrou, représentant des élèves au sein du conseil de gestion du lycée Al Waha.
En réalité, ce lycée n’est pas le seul à souffrir d’un manque d’enseignants. Selon la Fédération nationale des associations des parents d’élèves au Maroc (FNAPEM), qui vient de publier un communiqué dans lequel elle dresse un tableau pessimiste sur la situation de l’éducation nationale, ce problème touche plusieurs établissements scolaires publics dans les différentes villes du Royaume. Le président de la FNAPEM, Mohamed Qnouch, tire la sonnette d’alarme. «Le déficit en ressources humaines dans les établissements scolaires nationaux est patent. Rien que dans l’Oriental, il y a un besoin de 95 enseignants au niveau de l’enseignement primaire et de 23 pour l’enseignement collégial. Concernant le niveau secondaire qualifiant, il y a un manque de 27 enseignants, sans compter les professeurs de philosophie», précise M. Qnouch. Et d’ajouter : «le déficit constaté ne concerne pas seulement les enseignants, mais toutes les catégories du personnel du ministère de l’Education nationale (MEN), à savoir les inspecteurs, les directeurs, les économes et les intendants. À Figuig, le besoin s’élève à six inspecteurs, 36 économes au niveau des établissements de l’enseignement collégial et 16 au niveau secondaire qualifiant. Concernant le personnel d’encadrement administratif, le déficit est évalué à 46 personnes dans les collèges et 68 dans le secondaire qualifiant».
Cette situation, souligne-t-il, est le corollaire de l’opération de départ volontaire de la fonction publique. (Voir Entretien). Un avis qui n’est pas partagé par le ministère de tutelle. Mohamed Ould Dadda, directeur des ressources humaines, rétorque que «ce n’est pas juste». «40 % des personnes dont les demandes de départ volontaire ont été satisfaites sont des enseignants travaillant dans les établissements  de l’axe Casa-Rabat, qui souffrait d’un sureffectif. Cette opération a permis de résorber le surplus d’enseignants. En outre, la plupart de ces fonctionnaires occupaient des postes administratifs», poursuit-il.
D’après les statistiques du MEN, sur 25.085 demandes de départ volontaire dans le secteur de l’éducation nationale, 13.070 ont été satisfaites, ce qui correspond à 52,10%. Au niveau des Académies, 11.482 demandes ont été satisfaites dont 47,94 % des cadres de l’enseignement et 52,06 % du personnel administratif.
Selon M. Ould Dadda, le besoin en ressources humaines dans les régions éloignées, comme Zagora, «ne date pas d’aujourd’hui. L’opération du départ volontaire n’a rien ajouté à la situation». Ce qui n’est évidemment pas sans conséquences sur la qualité de l’enseignement. Certains instituteurs considèrent leur affectation dans les régions éloignées comme une sanction. Une autre difficulté qui complique davantage la situation.
Une autre cause importante des défaillances de l’éducation nationale est à chercher du côté du contenu des manuels scolaires. A cet égard, la Fédération nationale des associations des parents d’élèves au Maroc tire à boulets rouges.
«Les contenus pédagogiques des manuels scolaires ne répondent pas, assez souvent surtout dans le primaire, aux besoins cognitifs et affectifs des apprenants. Ces ouvrages ne respectent pas la chronobiologie. Par ailleurs et malgré les avancées réalisées, certains contenus vont à l’encontre du respect des droits humains, notamment en matière de genre, de tolérance, de défense des droits des enfants et des jeunes scolarisés. Notamment leur droit à une éducation démocratique et de qualité», précise Mohamed Qnouch, président de cette institution
Pour Zakia El Iraki de la direction des curricula au niveau du MEN, cette vive critique «n’est pas fondée». «La procédure d’élaboration des manuels scolaires est rigoureux. Nous avons un certain nombre de critères qui sont pris en considération dans ce processus», souligne-t-elle avant de céder la parole au chef de division de l’enseignement littéraire et des langues, Rachid Amrani pour donner plus de détails sur le processus, qui dure près de sept mois.
«Au départ, ce sont les inspecteurs centraux du ministère qui élaborent les programmes des manuels scolaires après consultation des inspecteurs régionaux. Ces programmes sont ensuite soumis au comité permanent des programmes pour validation», nous a précisé M. Amrani. Pour sa part, la direction des curricula élabore un cahier des charges pour toutes disciplines confondues et un autre cahier des charges spécifique pour chaque discipline.
Le comité permanent des programmes a un droit de regard sur ces cahiers de charge. L’étape suivante, poursuit M. Amrani,  concerne le lancement d’un appel d’offres aux maisons d’édition marocaines qui ont un délai de quatre à cinq mois pour présenter leurs manuscrits désignant les projets de manuels scolaires.
Ces dossiers sont ensuite soumis à la commission d’évaluation et de validation des manuels scolaires composée entre autres de chercheurs, inspecteurs et professeurs universitaires de renom. Sur la base de grille d’évaluation, cette instance sélectionne les meilleurs projets et propose aux soumissionnaires d’introduire des modifications. «Lesquels projets sont ensuite présentés aux trois sous-commissions des langues, d’esthétique et des valeurs pour vérifier si les manuels proposés respectent les valeurs de la religion et de la tolérance», lance M. Amrani. Après validation, les maisons d’édition reçoivent leur bon à tirer. Pour la FNAPEM, l’actuel système scolaire est un "grand échec". «L’éducation nationale est en crise. Des insuffisances aux niveaux  infrastructurel, pédagogique, sécuritaire, etc….Il faut repenser l’école de nos enfants», conclut M. Qnouch en préconisant une réforme profonde pour palier à ces carences qui entravent la bonne marche de nos établissements scolaires. 

L’école rurale toujours à la traîne
Les établissements scolaires du monde rural souffrent d’un manque flagrant d’infrastructures de base. Les toilettes, l’eau potable et l’électricité en sont absentes. Plus de 12 000 écoles primaires sont concernées par ce problème, qui compromet sérieusement la scolarisation des enfants dans nombre de régions. Ces chiffres officiels, à la fois inquiétants et alarmants, émanent du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique et du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et de l’Environnement. «Le diagnostic de la situation des équipements au sein des écoles rurales, selon le recensement scolaire 2005-2006, montre qu’il n’est pas possible de mener des actions d’éducation environnementale dans les écoles dont l’environnement est dégradé avec l’absence de l’eau potable, d’assainissement ( toilettes) et d’hygiène», indique dans un communiqué commun aux deux départements ministériels.
Ce problème d’absence des infrastructures les plus élémentaires dans les écoles rurales oblige les élèves, en particulier les filles, à abandonner l’école. Ce qui contribue davantage à l’augmentation de la déperdition scolaire dans plusieurs régions.
Certaines écoles souffrent également d’un manque de classes spécifiques pour chaque niveau. Des élèves de différents niveaux se trouvent donc entassés dans une seule et même salle de classe.
Pour remédier à cette situation, le département de Habib El Malki, en partenariat avec le ministère de l’Aménagement du territoire, a élaboré le programme national de mise à niveau des écoles rurales d’un coût global de près d’un milliard de dirhams. Ce programme s’étalera sur une période de 10 ans.
Il faut noter que le nombre des établissements scolaires dans le monde rural a atteint, au titre de l’année scolaire 2005-2006, 17.350 unités. Ce chiffre a été annoncé par le ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la recherche scientifique, Habib El Malki, en réponse à une question à la Chambre des représentants sur "le bilan de la généralisation de l’enseignement dans le monde rural".
Concernant le nombre des établissements de l’enseignement secondaire en milieu rural, il a atteint 494 collèges, 52 annexes d’enseignement secondaire collégial et 119 lycées d’enseignement qualifiant.

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