Culture

L’expo qui déchaîne les passions

© D.R

«Je ne participe pas à cette exposition et je n’ai pas besoin de manifestations de ce genre pour montrer mes tableaux ! » L’homme qui tient ces propos fuit comme la peste la plus importante exposition de peintres marocains à Helsinki. Il affirme fortement et solennellement ne pas vouloir faire partie de la liste des exposants qu’il a pourtant établie. Car cet homme n’est pas seulement peintre, mais également chef de cabinet du ministre de la Culture. Il est le signataire d’un courrier, adressé au début du mois de juillet, à un nombre limité d’artistes marocains. Cette lettre les convie à participer à une exposition, organisée par le ministère de la Culture, en Finlande. Le thème de cette manifestation est racoleur: « Magie du Maroc ». Aussi bien les peintres qui ont reçu le courrier que les autres qui s’estiment lésés ont flairé un tour de passe-passe de la part de son signataire. Les heureux élus se sont étonnés du fait que Jaride ne leur découvre pas la liste des personnes avec qui ils vont exposer. Certains d’entre eux estiment qu’il est anormal que l’auteur de la lettre ne joue pas la carte de la transparence dans cette affaire. Quant aux autres, ils se sont littéralement déchaînés contre le chef de cabinet de Mohamed Achaâri. La manifestation la plus marquante de cette colère est venue du Syndicat des artistes plasticiens marocains (SAPM), fort de plus de 300 membres, et qui a adressé une lettre ouverte au ministre de la Culture pour se plaindre des « agissements » et des « abus » de son chef de cabinet. Ahmed Jaride affirme ne pas être ébranlé par la teneur de cette lettre qu’il attribue au peintre Abdellatif Zine, secrétaire-général du SAPM. « Zine adore les feux des projecteurs. C’est un spécialiste de la protestation. Je suis heureux qu’il ne soit pas d’accord avec moi. J’en tire même beaucoup de fierté », dit-il. Il ajoute qu’il est peintre avant d’être chef de cabinet. « Le fait que je sois un peintre est un atout considérable et non pas un défaut. Qui voulez-vous qu’on mette à ma place ? Un cordonnier ! » Pourtant le courrier au sujet de l’exposition à Helsinki comporte plusieurs manques dont il est légitime de s’étonner. Alors que la manifestation est prévue pour la fin du mois d’août, rien ne semble prêt. La ville où aura lieu l’exposition n’est pas mentionnée dans le courrier, et encore moins l’espace qui va l’abriter. Ahmed Jaride s’en défend en affirmant que le ministère de la Culture « est rodé à ce genre de manifestations». Il ajoute que ce ministère possède les compétences requises pour monter une grande exposition en peu de temps. Quant à la fameuse liste des peintres qui vont exposer en Finlande, Jaride estime qu’il est «normal» qu’il ne la rende pas publique. «Je ne peux pas répondre à la demande de tous les artistes !», dit-il. Et après un moment d’hésitation, il la communique à ALM. Il insiste toutefois sur le fait que la liste n’est pas définitive, dans la mesure où les artistes conviés n’ont pas tous confirmé leur participation à la manifestation. Les intéressés sont au nombre de sept: Mohamed Kacimi, Fouad Bellamine, Amina Benbouchta, Mohamed Melehi, Abderrahman Meliani, Abdelkrim Ouazzani et Chaâbia Tallal. Deux artistes seulement n’ont pas encore donné une suite à la lettre : Amina Benbouchta et Fouad Bellamine. Aux côtés des sept peintres, trois designers vont également se déplacer en Finlande. « Leurs noms n’ont pas encore été arrêtés », précise Jaride. Ce dernier est moins péremptoire quand on l’interroge sur le commissariat de cette exposition. Qui a sélectionné les noms des artistes marocains qui vont participer à l’exposition de Helsinki ? « Je propose des noms au ministre de la Culture qui est le seul habilité à approuver ou désapprouver mes choix », répond Ahmed Jaride après un long moment de réflexion. Dans le choix qui a été fait, seuls la peinture et le design seront présentés. D’autres expressions des arts plastiques, dont la photographie, l’installation et la vidéo, ont été marginalisées. Plus grave : les jeunes artistes marocains n’ont pas voix au chapitre. Il en existe pourtant des artistes qui effectuent un travail très respectable et cohérent. Ils sont aptes à étonner les Scandinaves par les idées neuves qui sous-tendent leurs oeuvres. Quant aux artistes invités, ils sont très largement – et depuis de longues années – les ambassadeurs de la peinture marocaine à l’étranger. Le véritable débat que doit générer l’exposition de Helsinki est le suivant : jusqu’à quand les mêmes noms vont continuer de représenter le Maroc à l’étranger ? Et qui parmi ces mêmes noms garde assez de vigueur pour donner un visage tonifiant des arts plastiques au Maroc ?

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