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L’immeuble Yacoubian
Connaissez-vous Alaa El Aswany ? C’est un véritable phénomène, avec cent mille exemplaires de L’Immeuble Yacoubian vendus en quelques mois, un film en cours de tournage avec une grande mobilisation de moyens et d’acteurs célèbres. Très vite, poussé par la rumeur, le livre s’est répandu dans le monde arabe, a été traduit en anglais, et le voici aujourd’hui en français. L’auteur est un vrai Egyptien, enraciné dans la terre noire du Nil, de la même veine que Naguib Mahfouz. Il pose un regard tendre, affectueux, plein de pitié et de compréhension sur ses personnages qui se débattent tous, riches et pauvres, bons et méchants, dans le même piège. Il ne juge pas, mais préfère nous montrer les espoirs puis la révolte de Taha, le jeune islamiste qui rêvait de devenir policier ; l’amertume et le mal de vivre de Hatem, homosexuel dans une société qui lui permet de jouir mais lui interdit le respect de l’amour ; il nous fait partager la nostalgie d’un passé révolu du vieil aristocrate Zaki ; l’affairisme louche mêlé de bigoterie et de lubricité d’Azzam ; la dérive de la belle et pauvre Boussaïna, tout cela à l’ombre inquiétante du Grand Homme, de ses polices et de ses sbires de haut vol comme l’apparatchik El-Fawli, et à celle non moins inquiétante d’un islam de combat, qui semble être la seule issue pour une jeunesse à qui l’on n’a laissé aucun autre espoir. Alaa El Aswany ne cherche pas le scandale. Il nous dit simplement que le roi est nu. Il nous montre ce que chacun peut voir autour de lui mais que seule la littérature rend vraiment visible. Nous comprenons un peu mieux comment va l’Egypte, certes, mais aussi comment va le monde et – peut-être également – pourquoi explosent les bombes… Fils d’Abbas El Aswany, avocat et écrivain, Alaa El Aswany est né en 1957. Il parle français, anglais et espagnol. Il a publié en 1990 et en 1998 deux recueils de nouvelles.

Alaa El Aswany « L’immeuble Yacoubian »
Actes Sud, 327 pages, 2006


Les Bienveillantes
«En fait, j’aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n’est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret; grâce à Dieu, je n’ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d’écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n’ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette rien: j’ai fait mon travail, voilà tout; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi; et pour le reste, vers la fin, j’ai sans doute forcé la limite, mais là je n’étais plus tout à fait moi-même, je vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l’air, le manger, le boire et l’excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif.» Avec cette somme qui s’inscrit aussi bien sous l’égide d’Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili Grossman ou des Damnés de Visconti, Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux, tout en nous montrant un homme comme rarement on l’avait fait: l’épopée d’un être emporté dans la traversée de lui-même et de l’Histoire.  Jonathan Littell est né à New York, en 1967. Les Bienveillantes est sa première œuvre littéraire.

Jonathan Littel, « Les bienveillantes »,
Gallimard, 2006, 903 pages


Eldorado
A Catane, le commandant Salvatore Piracci travaille à la surveillance des frontières maritimes. Gardien de la citadelle Europe depuis vingt ans, il sillonne la mer, de la Sicile à la petite île de Lampedusa, pour intercepter les bateaux chargés d’émigrés clandestins qui ont tenté la grande aventure en sacrifiant toute leur misérable fortune… en sacrifiant parfois leur vie, car il n’est pas rare que les embarcations que la frégate du commandant accoste soient devenues des tombeaux flottants, abandonnés par les équipages qui ont promis un passage sûr et se sont sauvés à la faveur de la nuit, laissant hommes, femmes et enfants livrés à la plus abominable des dérives. Un jour, c’est justement une survivante de l’un de ces bateaux de la mort qui aborde le commandant Salvatore Piracci, et cette rencontre va bouleverser sa vie. Touché par l’histoire qu’elle lui raconte, il se laisse peu à peu gagner par le doute, par la compassion, par l’humanité… et entreprend un grand voyage. Romancier et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé a publié chez Actes Sud plusieurs pièces de théâtre et trois romans : Cris (2001 ; Babel n’613), La Mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003 ; Babel n ° 667) et Le Soleil des Scorta (prix Populiste, prix Jean-Giono et prix Goncourt 2004 ; Babel n ° 734).

Laurent Gaudé « Eldorado »,
Actes Sud, 237 pages, 2006


Salut et liberté
«Monsieur le commissaire, vous avez peut-être une belle gueule mais, dans le fond, vous êtes un vrai con. En ce qui me concerne, j’ai tué en toute impunité. Salut et liberté», Etranges, ces lettres anonymes que reçoit Adamsberg, et tout aussi singulière l’assiduité dont fait preuve le vieux Vasco à siéger sur ce banc, juste en face du commissariat… L’importun vieillard aux poches remplies d’objets insolites et au porte-manteau incongru attise l’exaspération du lieutenant Danglard. Mais, pour le commissaire Adamsberg, dont le flair nonchalant confine au génie, l’affaire n’est pas si anodine… Fred Vargas signe ici deux nouvelles policières où l’on retrouve avec un plaisir intact les personnages décalés, les rencontres déroutantes, le ton si subtilement décontracté qui ont fait son succès. Suivi de deux nouvelles. Des lettres anonymes, le commissaire Adamsberg en reçoit des brouettes, mais celle-ci l’intrigue particulièrement : elle n’accuse personne. Et puis, elle lui est personnellement adressée. Son auteur se vante notamment d’avoir tué en toute impunité et termine sa lettre par ces mots : "Salut et liberté !". Et puis qui est véritablement ce vieil homme échoué depuis peu sur un banc, juste en face du commissariat, qui se fait appeler Vasco de Gama ?

Fred Vargas « Salut et liberté »,
J’ai Lu, 2004, 77 pages

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