Le pouvoir et la vie
Sur un ton narratif, direct et vivant, VGE raconte, à la première personne, les péripéties et les enjeux de la politique intérieure à cette époque charnière où les Français se trouvaient devant un choix engageant les prochaines décennies. Bien que cette période appartienne déjà à l’histoire, VGE réussit le tour de force de créer un suspense. Le lecteur connaît bien sûr la fin mais le livre se lit comme un véritable roman dans lequel tous les dialogues, toutes les anecdotes, toutes les péripéties sont vraies. Il fourmille de révélations mettant en scène les principaux acteurs (Chirac, Barre, Mitterrand – par exemple, le récit que fera à VGE Mitterrand, dix jours avant sa mort, lui racontant précisément ses relations avec Chirac pendant la campagne présidentielle). Dès les législatives de 1978, les forces se mettent en présence : Jacques Chirac refonde un parti néo-gaulliste et se situe dans une opposition larvée au sein de la majorité présidentielle. François Mitterrand met en place le Programme commun tout en essayant de faire preuve d’indépendance par rapport au Parti communiste. Georges Marchais est toujours aligné sur Moscou et manœuvre pour obtenir la place la plus importante possible au sein du gouvernement en cas de victoire de la gauche. Plus l’élection se rapproche et plus les coups bas volent. Les six derniers mois précédant l’élection présidentielle sont traités comme un journal. La vie quotidienne de VGE est partagée entre l’exercice du pouvoir et la campagne électorale. Avec Raymond Barre, il tente de faire face aux conséquences du deuxième choc pétrolier et de maintenir la paix en Europe (le mur n’est pas tombé ; l’URSS a envahi l’Afghanistan et menace la Pologne ; l’Iran est en pleine révolution intégriste). Pendant ce temps, les coups pleuvent : candidature de Jacques Chirac ; montage de l’affaire du « petit télégraphiste » ; l’affaire des diamants…
Valéry Giscard d’Estaing « Le pouvoir et la vie »,
Editions Compagnie 12, 450 pages, 2006
Marilyn, dernières séances
Psychanalyste, essayiste et romancier, Michel Schneider possède une belle qualité : il s’intéresse aux autres. Après des livres consacrés à des écrivains et à des musiciens – Baudelaire, Proust, Schumann, Glenn Gould –, il se penche ici sur la figure de l’actrice de cinéma par excellence, sa majesté Marilyn Monroe, femme de tous les fantasmes, de tous les discours, de toutes les reconstitutions. Chez un psychanalyste comme Michel Schneider, n’y aurait-t-il pas une sorte de douce folie à vouloir se plonger dans une nouvelle enquête sur Marilyn, sur qui on a tant écrit ? Oui, et tant mieux. Nous sommes en 2005. Le narrateur-journaliste du roman reçoit Miner, un médecin légiste à la retraite qui a eu le privilège de s’entretenir, au lendemain de la mort de l’actrice en août 1962, avec son psy, Ralph Greenson. Le visiteur révèle une information capitale : Marilyn procédait elle-même à des enregistrements de ses confessions, qu’elle adressait ensuite à Greenson… Le projet du journaliste désormais ? S’immerger dans la masse de documents sonores, dans ces «Marilyn, dernières séances », pour comprendre la vraie Marilyn. Y parviendra-t-il ? Bien sûr que non, car Marilyn n’appelle pas la vérité mais la fiction. Alors autant procéder à un échafaudage romanesque où tout est vrai le livre de Michel Schneider repose sur la transcription d’éléments biographiques entièrement vérifiés à travers d’épaisses « lectures » mentionnées en fin d’ouvrage, et où tout s’achève cependant sur le mystère d’une femme magnifiquement insaisissable. Comme un écran de cinéma.
Michel Shneider, « Marilyn,dernières séances », Editions Grasset, 2006, 400 pages
Médias et scandales des entreprises
Les grandes entreprises nationales et internationales sont aujourd’hui au cœur d’une actualité faite de scandales, d’informations judiciaires, de révélations journalistiques, d’investigations policières, etc., au point qu’on parle aujourd’hui de l’entreprise-spectacle. Passionnant un lectorat en soif de révélations, d’informations sur la face cachée de ces entreprises qui tiennent l’économie et le monde politique, les médias se saisissent de ces affaires comme s’il s’agissait de meurtres. On parle des victimes, le plus souvent les employés licenciés, les petits actionnaires ruinés. On nomme les coupables : des dirigeants cupides, magouilleurs et pleins aux as, des investisseurs sans scrupules et profondément liés à la sphère politique. Mais l’essentiel, c’est l’arme du crime : la comptabilité et les vides juridiques deviennent les armes les plus puissantes et les plus menaçantes. Et face à ces entreprises-spectacles, une vraie question se pose : dans un monde d’investissements où grandes entreprises et médias sont souvent liés par les capitaux, l’information peut-elle être objective ? Le traitement de ces scandales se fait-il au détriment du citoyen ? Est-il le même dans tous les pays ? Face à ces questions et aux nombreux scandales de ces dernières années (Enron, Vivendi, Worldcom…), Pierre Hessler propose ici un document exceptionnel tant sur les médias que sur les scandales économiques.
Pierre Hessler, «Médias et scandales des entreprises»,
Editions Breal, 224 pages, 2006
Une brève histoire de l’avenir
La généralisation du règne de l’argent est en marche. Ultime expression de l’individualisme, elle explique l’essentiel des soubresauts de l’Histoire : pour l’accélérer ; pour la refuser ; pour l’orienter. Si cette évolution va à son terme, l’humanité disparaîtra. Si par contre l’homme recule devant cet avenir et interrompt cette généralisation du libéralisme, il basculera dans une succession de barbaries et de totalitarismes dans des batailles que je nommerai « l’hyperconflit ». Et l’humanité disparaîtra aussi, mais tout autrement. Si, enfin, la mondialisation peut être contenue sans être refusée, et si le marché peut être dépassé sans être aboli, s’ouvrira pour l’humanité un nouvel infini de démocratie, de liberté, de responsabilité, de création et de dignité. C’est que je nommerai « l’hyperdémocratie ». Trois avenirs s’ouvriront donc devant nous au-delà de l’actuelle domination de l’empire américain provisoire, comme celle de tous ses prédécesseurs : hyperempire, hyperconflit, hyperdémocratie. Deux avenirs mortels, un troisième impossible.
Jacques Attali, «Une brève histoire de l’avenir »,
Editions Fayard, 2006