La belle vie
Jay McInerney, Agnès Desarthe «La belle vie», Editions de l’Olivier, 2007
Ils avaient trente ans et des poussières. Le monde leur appartenait. Ils étaient, disait-on, le plus beau couple de New York. C’était en 1987. Quatorze ans plus tard, Corrine et Russell Calloway ont deux enfants et vivent dans un loft, à TriBeCa. Ce soir-là, ils ont invité des amis à dîner (Salman Rushdie vient de se décommander). Nous sommes le 10 septembre 2001. Dans quelques heures, le monde va basculer dans l’horreur. Cette horreur, Jay McInerney se garde bien de nous la montrer. Ce livre n’est pas le roman du 11-Septembre. Il nous parle de ce qui se passe après, quand l’onde de choc de l’attentat du World Trade Center vient percuter des millions d’existences. Une étrange atmosphère se répand, mélange de chaos et de responsabilité collective, d’angoisse et d’euphorie. L’impossible est devenu possible. Désormais, tout peut arriver. Corrine fait du bénévolat sur le site de Ground Zero. Elle y rencontre Luke. C’est le début d’une passion qui, elle aussi, va tout balayer sur son passage. Dans cette ville qui ne ressemble plus à rien, sinon, peut-être, au Londres de La Fin d’une liaison, ils cachent leurs amours clandestins, au point d’oublier ce qui les entoure : le fric, le toc et le chic du milieu auquel ils appartiennent, l’érosion des sentiments, le poids des habitudes. Jusqu’au moment où… On retrouve dans ce livre tout ce qui a fait de Jay McInerney un des écrivains les plus brillants de sa génération : l’humour, la légèreté, l’élégance, et cet art de croquer avec férocité la comédie sociale, à une époque où tout le monde rêve de devenir riche et célèbre. Avec, en plus, une touche de gravité, un zeste de mélancolie qui donnent à ce roman magnifique une couleur plus sombre, à laquelle Jay McInerney ne nous avait pas habitués. Né en 1955 à Hartford (Connecticut), Jay McInerney vit aujourd’hui à New York. Il est l’auteur, aux Éditions de l’Olivier, de Bright Lights, Big City, Trente Ans et des poussières, Le Dernier des Savage, Glamour Attitude et La Fin de tout.
Félicitations du Jury
Clarisse Buono, « Félicitations du Jury » Editions Privé, 2007
Jean-Marc a toujours rêvé d’être chercheur. Son idéal, devenir un intellectuel brillant, respecté, respectable, mené par sa vocation, est aujourd’hui en passe de devenir réalité. Jean-Marc connaît les règles. Il les a toutes respectées. Il a obtenu des cours à la faculté, parcouru des kilomètres payés de sa poche pour aller enseigner gratuitement pour que ces cours apparaissent sur son CV. Il a accepté d’être le valet des maîtres comme ces derniers l’avaient été avant lui. Sans broncher, il a empilé durant une décennie des recherches à plein temps, payées en notes de frais, publiées sous le nom d’autres plus réputés que lui, pour que ces recherches aillent étoffer son CV. A trente ans, il a encore accepté d’être humilié aux Assedic, dans sa famille, par sa petite amie, par sa psy, par ses amis, par les chercheurs confirmés parce que le jeu en valait la chandelle. Avec son CV, il allait obtenir le ciel. Jour J, Jean-Marc passe la dernière épreuve, celle de la soutenance de thèse. Et alors que tout semblait parfaitement rodé, il constate que ce qu’on lui présentait comme un point final n’est que le début de l’enfer. Jean-Marc ne possède plus qu’une seule chose dans la vie : un CV épatant de douze pages. Et l’envie d’en finir. Clarisse Buono est née en 1971. Elle a été chercheur en sociologie à l’EHESS, a enseigné à Paris V, Amiens et Lille III. Son CV fait quinze pages sous forme réduite et vingt-six dans sa forme plus détaillée.
Les bienveillantes décryptées
Marc Lemonier, «les bienveillantes décryptées», Le Pré aux clercs, 2007
Les bienveillantes, ce roman foisonnant écrit par l’homme ayant brassé plus de documentations que bien des auteurs de thèses ou de livres documentaires avant lui, nous plonge dans des abîmes d’incertitudes. Et ce ne sont pas là les mystères de la psychologie des bourreaux, au cœur de l’œuvre romanesque, mais toutes ces informations données au détour d’une phrase – un nom, une ville, un événement…- qui piquent notre curiosité. Ce guide tente de répondre à quelques-unes des questions que chacun d’entre nous s’est posées au fil des pages – «Qu’est devenu ce personnage, où se trouve cette ville, quel est ce livre, que veut dire ce sigle… » – curiosité que le glossaire placé à la fin de l’édition originale du roman ne suffit pas toujours à satisfaire. Cet ouvrage revient aussi sur les événements majeurs de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement sur ceux de la Shoah. Il est agrémenté de cartes géographiques pour visualiser la stratégie guerrière allemande, d’un dictionnaire biographique des personnages cités, et d’un organigramme de l’appareil militaire nazi afin de mieux pénétrer dans la côté le plus obscur de notre Histoire contemporaine, sans sombrer dans la confusion des sentiments. Ce guide est enfin le carnet de bord d’un lecteur qui a voulu suivre quelques unes des pistes entrouvertes par Jonathan Littell.
Jeune fille
Anne Wiazemsky, «Jeune fille», Editions Gallimard, 2007, 215 pages
Printemps 1965. Anne, la narratrice, a dix-huit ans quand elle rencontre le cinéaste Robert Bresson. Cette entrevue a été organisée par son amie Florence, laquelle tenait le premier rôle dans Le procès de Jeanne d’Arc. Persuadée que Anne est l’actrice idéale pour interpréter Marie dans Au hasard Balthazar, le prochain film du maître, Florence la pousse à auditionner malgré sa complète inexpérience. Au fil des séances d’essai, la présence d’Anne, son attitude, sa voix convainquent Robert Bresson de la nécessité de ce choix. Mais Anne est encore mineure, et il s’agit de faire accepter le projet à son grand-père, François Mauriac. Heureusement pour elle, ce dernier mesure toute l’importance de cette opportunité.
Pendant plus d’un mois, Anne va faire l’expérience d’un plateau de cinéma. Robert Bresson, lui, instaure un jeu ambigu, entre séduction et domination. Bien que repoussant ses avances, Anne subit son emprise psychologique et le magnétisme de son génie artistique. L’actrice sent qu’une métamorphose s’opère en elle, suscitée par des désirs puissants mais confus, qui exacerbent sa sensibilité.Un week-end, elle décide de coucher avec un jeune type de l’équipe, afin de calmer son hypersensibilité. Une étape fondamentale vient d’être franchie. Son caractère s’affirme, elle ose tenir tête à Bresson, renversant le rapport de séduction en sa faveur, tout en découvrant, jour après jour, la magie du métier d’acteur. À la fin de l’été, le film terminé, Anne sait qu’un avenir est désormais possible.