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Dr Assia Akesbi Msefer : «Je critique un enseignement nourricier censé gaver l’étudiant plutôt que de créer en lui plus de questionnement»

© D.R

Entretien avec Dr Assia Akesbi Msefer, psychologue

Le livre «Transmettre hors sujet» du Dr Assia Akesbi Msefer, psychologue, met en valeur l’apport de cet acte non seulement pour l’enseignant mais aussi pour l’étudiant. Une démarche que l’auteure fait valoir à travers le transfert et le contre-transfert. Dans son livre, la psychologue, qui porte également un regard critique sur l’enseignement, raconte aussi des bribes de sa vie privée en parlant notamment de son géniteur et des expériences de sa pratique de psychologue à l’Iscae où cette discipline est destinée à de futurs entrepreneurs.

ALM : Votre livre fait principalement valoir, à travers le transfert et le contre-transfert, l’apport et la valeur ajoutée de la transmission hors sujet. Une pratique fort réfutée par les enseignants marocains. Comment les convaincre de son intérêt ?

Assia Akesbi Msefer : Mon ouvrage «Transmettre hors sujet» est, tout d’abord, un livre dans lequel j’ai essayé de revenir sur ma pratique d’enseignante et de psychanalyste durant 30 ans à l’Iscae (Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises). Pour répondre à votre question, le sujet évoqué est sujet de l’inconscient.

Il est intégré à un enseignement, une remise en question et ouverture non seulement aux nouvelles connaissances mais aussi sur le renouvellement du mode de réflexion, jusque-là restrictif au cumul d’informations, et rarement sur les structures du sujet étudiant et enseignant.
Dans mon livre, je critique aussi un enseignement nourricier censé gaver l’étudiant plutôt que de créer en lui plus de questionnement aiguisant sa soif et son envie de recherche, voire l’inspiration de celle-ci.

«Hors sujet». Ainsi s’expriment certains professeurs quand un étudiant aborde un sujet qui n’abonde pas dans le sens de leur cours. Ce qui n’est pas le cas pour vous. Pourquoi procèdent-ils, selon vous, de la manière et que recommandez-vous à ces enseignants ?

C’est en fait pour cela que je critique le fait de limiter l’approche binaire de nos enseignements. Celle-ci étant dualiste, non adéquate avec une société plurielle, inclusive des différences, des diversités que permettent les facilités de transport par les réseaux sociaux, soit un monde éclaté.

J’insinue par là une éducation respectueuse des êtres vivants, humains végétaux et animaux, voire un respect des limites écologiques de préservation des ressources naturelles, ainsi qu’un mode qui vise le développement plus que la croissance et un enseignement respectueux de l’éthique aspirant à la paix dans le monde tout en luttant contre la guerre, les bénéfices accumulés par la vente d’armes destinées à détruire la vie.

Certains étudiants sont à leur tour contre l’idée de transmission hors sujet. Chose que vous avez exprimée dans votre livre en remontant même à des faits qui ont marqué l’actualité marocaine et mondiale. Outre votre démarche étayée dans votre livre, qu’est-ce qui pourrait leur faire changer d’avis ?

Il s’agit d’être les uns avec les autres sans un accroissement de production donnant lieu à de la concurrence et une guerre des marches. Il s’agit aussi d être les uns avec les autres et nullement les uns contre les autres. Il s’agit encore moins d’être similaires mais différents, en soutenant l’altérité de choix de vie de chacun, favorisant la créativité, l’art et l’innovation.

Par l’occasion, une transmission subjectivante nécessite un travail de déconstruction de beaucoup d’archaïsme et d’ouverture à de nouvelles valeurs continuellement renouvelables, une souplesse d’adoption du nouveau plutôt que d’agrippement à ce qui est révolu. Cela étant, des difficultés d’insertion et de renouvellement sont des résistances enracinées dans notre éducation auprès non pas de nos géniteurs mais de parents auprès de qui chacun apprend le respect d’autrui. Dans l’ensemble, le patrimoine éducatif me semble une richesse et une générosité à partager mutuellement dans la fraîcheur de chaque moment.

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Témoignage de la professeure Rachida Roky

Ce livre m’a été offert par l’écrivaine Assia Akesbi Msefer, à un moment où j’avais besoin d’un retour sur soi en tant qu’enseignante. Dans ce livre, l’écrivaine, clinicienne et universitaire nous invite à réfléchir à des questions brûlantes dans le domaine de l’enseignement : l’intérêt du manque, des limites, du questionnement, de l’humour, de la recherche en tant que pratique pédagogique, du vivre-ensemble et de la lecture extrascolaire.

Ce livre pose des questions sur les certitudes aussi bien celles des enseignants que celles des étudiants. La connaissance pour Mme Akesbi est une co-naissance, au cours de laquelle étudiants et enseignants devraient se découvrir et s’enrichir mutuellement. Elle remarque que les professeurs trouvent souvent leurs cours excellents pour des étudiants qui ont un niveau très bas. Les étudiants trouvent souvent que les cours sont inadaptés et ennuyeux. Des deux côtés, l’écrivaine observe un refus du questionnement et une disponibilité limitée à supporter les critiques et à reconnaître ses failles.

En utilisant le «je», l’écrivaine partage aussi son expérience d’enseigner, de la première année jusqu’au niveau master, tout en s’exprimant sur ses propres limites qu’elle assume pleinement. Pour elle c’est le manque qui fait évoluer et non la certitude, puisque l’échange ne peut être réduit à des conseils ou des recommandations émis ou reçus, d’autant moins qu’une expérience est difficilement généralisable.

Dans ce livre, l’écrivaine traite aussi le sujet brûlant de l’organisation des entreprises dans une société de consommation qui marginalise la culture historique, sociologique et anthropologique. Les étudiants, futurs salariés, sont dans une culture de l’immédiateté, d’économie psychique, de certitude et d’aliénation au passé et au marché.

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