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«Et l’âne vit l’ange» de Nick Cave

© D.R

Il y a des passages obligés pour un artiste multidisciplinaire. Peinture, cinéma, scénario, et littérature sur fond de prose lyrique et de poésie post-moderne. C’est le cas pour le grand Nick Cave. C’est clair, quand un musicien du calibre de Nick Cave décide d’écrire un roman, il est probable que l’artiste reste en deçà de sa verve habituelle. Nick Cave est considéré comme le songwriter le plus poétique de ses vingt dernières années. Une poésie en marge. Une poésie entre deux mondes, tachetée de noirceur, de mélancolie, de fougue, de rage et de sacré. Une poésie qui tutoie William Blake, Lautréamont et Rimbaud, se laisse glisser sur les rivages de l’oubli entre rêveries persiennes et autres désirs rilkiens. Comme on pouvait s’y attendre, du moins ceux qui un jour se sont frottés à cet univers, droit sorti de l’Ancien Testament, Et l’âne vit l’ange, est un long et périlleux voyage dans des sphères humaines, qu’il vaut mieux ne pas aborder, si l’on n’a pas l’estomac bien calé et la tête bien soudée sur des épaules de Titan. Le roman en lui-même est simple. Ce n’est qu’une petite histoire dont les chapitres se jouent dans une petite vallée perdue du sud des Etats-Unis.  Un coin sombre, paumé où presque rien ne se passe en attendant le salut ou alors la catastrophe.

Nous sommes dans les années de grâce 1940 à 1960. Les Ukulites, une secte apocalyptique, mène la vie de tous et broie les individualités sous un rouleau compresseur de dogmatisme des plus bâtards. Et un jour, tout doit foutre le camp, parce que la pluie a surgi droit du ciel. Un déluge digne de la vie de Noé qui emporte tout sur son passage. Nous sommes déjà face aux plus irréductibles des épisodes bibliques : eaux ravageuses, morts en tumulus, destins d’avant l’apocalypse. Rien de plus normal dans l’univers boschien de Nick Cave. Mais il faut un sauveur, autrement le récit perd son sens. Et là, c’est Euchrid Euchrow, un jeune garçon vivant en marge de la secte, qui fait office de bête de somme pour expier les fautes de toute la race. Il faut dire qu’il est bien préparé le gamin pour sauver son monde et porter la croix de tous.
Dans «Et l’âne vit l’ange», l’écriture de Nick Cave touche à des points qu’il n’a pas encore utilisés dans ses textes de chansons. Même si par moments on trouve des pans de « Murder Ballads», «Tender Prey» ou encore le sublime «Push The Sky Away». Entre retenue et excès, il passe d’un registre à l’autre, se joue des genres et surtout dans la même phrase offre le bien et le mal d’un seul tenant.   

Editions Le serpent à plumes. 180 DH

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