Au moment où certaines auteures préfèrent se glisser dans une peau masculine pour concevoir leurs romans, d’autres écrivains optent pour celle féminine.
C’est le cas de Mohamed Kohen qui a fait le deuxième choix dans sa nouvelle publication intitulée «Pour le plaisir !». En fait, le lecteur ne se rend compte que le personnage principal est féminin qu’au fil des pages. De quoi donner l’impression que l’écrivain parle de lui-même. Cependant, une rencontre avec une autre femme permet de comprendre que le premier protagoniste est une femme. Un fait qui ne passe pas inaperçu et donne envie d’aller jusqu’au bout de l’histoire imaginée par l’écrivain qui s’explique sur son choix.
Percer la psychologie féminine
«C’est certainement mon côté féminin qui a dû prendre le dessus sur ma condition d’homme. La psychologie féminine m’a toujours semblé difficile à percer et sa compréhension, pour l’homme que je suis, un horizon indépassable», précise le romancier, également chirurgien, qui s’est proposé, dans son œuvre, de transcender cette «difficulté» en empruntant la voix d’Alia la narratrice. Une jeune femme assagie et calme qui a, comme il le rappelle, rompu avec un passé tumultueux pour se recroqueviller sur elle-même jusqu’à sa rencontre impromptue avec Sophia, femme à la forte personnalité, responsable, chef d’entreprise, cultivée, artiste, aguicheuse, frivole, qui mène une vie palpitante et survoltée. «À travers cette histoire, j’ai tenté d’explorer et de disséquer les sentiments humains et d’imaginer la réaction et la réponse féminine à telle ou telle situation, avec bien sûr la crainte de ne pas voir juste. Un pari osé, dira-t-on», détaille-t-il en se félicitant de son intrigue. Tel qu’il l’exalte, le roman a heureusement rencontré le public et les retours des lecteurs sont très positifs. «Alors je me laisse croire que l’exercice est presque réussi et cela me réjouit», s’enthousiasme-t-il. Et ce n’est pas tout ! Pour lui, les sentiments que traite ce roman, que sont l’amour, la haine, la jalousie, la trahison, le mensonge, l’envie, la démesure, la luxure sont «le propre des humains, qu’ils soient femmes ou hommes». «Seules les réactions diffèrent en fonction du sexe certainement, mais aussi en fonction du vécu de chacun, de sa culture et de son éducation», ajoute Dr Kohen. Le tout sans manquer de révéler des bribes de son vécu. «J’ai été élevé dans les jupes des femmes et leur compagnie continue à m’enrichir et à me ravir. C’est un monde intriguant, impressionnant et passionnant à plusieurs titres, et ma foi beaucoup plus attrayant que celui des hommes, en déplaise à ceux qui soutiennent le contraire», estime-t-il en s’exprimant sur ses protagonistes.
Des personnages «sujets à controverse»
Dans l’intrigue, le lecteur s’attend à un fait que l’auteur a laissé pour la fin. De quoi captiver l’attention pour découvrir le dénouement. Dans ce sens, l’écrivain révèle sa démarche de romancier pour qui l’écriture est un «acte jubilatoire, plaisant et libérateur». «Mes personnages sont souvent sujets à controverse et j’aime raconter des histoires pour exciter l’esprit du lecteur et susciter en lui une certaine curiosité», avance-t-il. Entre les lignes, il distille subrepticement des idées, des impressions, des avis et une certaine vision du monde afin t’interpeller et donner à réfléchir. «Puisse le lecteur trouver du plaisir à lire, à décrypter et se réjouir», poursuit l’auteur dont le récit traite également de religion et de libertés.
De «l’interprétation de la religion dans la sphère publique»
A travers les personnages «Saad» et «Abdou», le chirurgien aborde la religion. Comme l’explicite Dr Kohen, ils discutent de l’interprétation et de l’utilisation de la religion dans la sphère publique, chacun donne son impression et exprime son point de vue. «En ce qui me concerne, je pense qu’un peuple, une nation ou un Etat ne prospère qu’autour d’une idée fédératrice qui le réunit et constitue son socle social. La religion joue parfaitement le rôle d’un ciment social indispensable à la cohésion des individus. C’est une notion primordiale et constrictrice. D’ailleurs, l’étymologie du mot religion vient de religare qui signifie relier. Cependant, ce lien aussi fort soit-il ne devrait pas être exploité à des fins politiques», argumente l’écrivain qui révèle également ses projets. Son troisième roman, qui a commencé quelques mois avant la pandémie du Covid, est «en attente de publication». «C’est une histoire à rebondissements», enchaîne-t-il à propos de son prochain écrit qui raconte une catastrophe sanitaire qui va mettre à mal les humains et fait état de leur génie créateur inspiré du projet transhumain. «Il pose la question cruciale et forcément éthique de l’intelligence artificielle, de l’hybridation de l’homme par la machine, des manipulations génétiques, et cherche le point d’inflexion au-delà duquel l’innovation pour l’innovation risque de déshumaniser l’homme», nuance l’écrivain. Une œuvre qui sera fort attendue.