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Roman : «Les Territoires de Dieu» de Abdelhak Najib vu par l’écrivain et enseignant Mustapha Guiliz

© D.R

«Les Territoires de Dieu» est un roman qu’on écrit quand on désespère de Dieu, et aussi quand la certitude de sa désertion du monde se fait grande.

Ce monde qui devient alors un théâtre aux contours hostiles et où même les enfants, salement cabossés par la vie, n’ont plus aucune issue. Ces enfants s’agitent dans tous les sens pour sauver leurs êtres à défaut de retrouver un sens au monde. Un roman sur l’enfance ? Un roman davantage aux allures de poème épique, peut-on l’affirmer, car il est conçu, non en fonction d’une intrigue débilitante qui continue toujours de nous infantiliser, nous lecteurs, mais construit en fonction de tableaux finement ciselés. L’auteur est un critique d’art et il s’en donne à cœur joie. On se réjouit dans ce roman de la qualité des portraits hautement humains et qui ensorcellent par le fait même du sortilège qu’ils charrient. C’est, autant le dire, il y a une part du maléfice qui fonde leur action dans ce roman. C’est un mal qu’ils combattent, désarmés.

Ce mal qui vient d’ailleurs, vagues déferlantes dans des existences vulnérables d’enfants en mal de vivre. Jamais ces enfants ne font de mal, ils le subissent, malgré eux. Ils peuvent en être des monnayeurs, des faux monnayeurs, avec une tragique inconscience.
Dans les territoires de ce roman, il est des personnages grands, mais beaucoup de jeunes enfants. Ces derniers pullulent dans ce réduit si exigu où ils courent dans tous les sens à la recherche de quelque chose qui leur manque, mais dont ils ignorent la nature. Fatalement, ils se heurtent, se piétinent, se donnent des coups, s’entretuent, sans merci.

Le paradoxe est que les habitants de ce territoire ne manquent pas d’amour ni de ses hautes expressions. Ils en ont trop, au point d’être d’une vulnérabilité de coupon de cristal. Mais, encore, ils sont marqués d’une incapacité rédhibitoire à incarner dans leur rapport réciproque cet excès d’amour et de tendresse. C’est là aussi un autre aspect attachant de ce roman profondément sérieux pour ne pas dire tragique. Un enfant n’a jamais aucune excuse. Surtout d’exister. Même une maman tendre peut se livrer à une sublime étreinte de son enfant chéri et le battre à mort sans raison aucune. Sublime, ai-je écrit, sublimation du désir peut-être ! La violence structure ce roman. On s’y étripe allègrement. Un protagoniste peut annoncer le meurtre auquel il va se livrer le soir. Il ne manque pas à sa promesse macabre pour une question d’honneur. A défaut de pouvoir se soustraire à son destin, on se donne alors en spectacle. Et on ne s’en repent pas. La violence se trouve donc être un choix assumé comme une fatalité. Il est beaucoup question d’amour dans ce roman tendre.

C’est l’autre pendant de la violence. L’amant chante la satisfaction d’un manque; il désire violemment et se complaît alors dans la violence jouissive qui jamais ne se conjugue selon les voies du plaisir normal, visant la satisfaction; d’où les références fréquentes à Sade. Jouissance sadique donc coupable.
Coupable parce que destructrice de soi ou, à défaut d’une victime expiatoire, de soi-même. Cet autre, sujet de la souffrance et objet d’amour (l’amour est une grammaire!), installe le rapport dans le chemin de croix à n’en pas finir (la merde, selon le mot fréquent du narrateur) avec cet amour. Fragilité oblige. La femme, aimante ou aimée, jouit dans ce roman d’une aura euphorisante, béatifiante, rompant avec une image négative devenue habituelle dans notre littérature. Sur ce chapitre, l’auteur ne cède nullement à la facilité des stéréotypes aseptisés qui souvent portraiturent les femmes sous des dehors hideux. Mère, fille, bien-aimée, la femme est brave, héroïque même. Quand l’homme est incapable de s’auto-définir, de se réaliser, la femme, être achevé, est tout simplement là pour lui.
«Les Territoires de Dieu» est un territoire où la femme est célébrée. C’est ce qui en fait un roman d’amour tendre et lucide.
Le lecteur de ce roman peut s’étonner de la verve que le narrateur déploie pour sonder l’âme de ce quartier mythique de Hay Mahammadi. Les hommes, enfants et adultes confondus, sont livrés à eux-mêmes sans disposer de moyens nécessaires pour rester debout, vivre et mourir debout. L’histoire fait avec ce qu’elle trouve. Les hommes aussi.
Le lecteur de ce roman pourrait lui arriver de se dire en lisant ce texte: Oui, et après? C’est là un tour de force de cette fiction.
Il arrive toujours, et opportunément, qu’au moment où l’on se pose cette question que la réponse tombe. Là où on l’attend. Elle vient sous forme d’un mot, d’une image, d’un paragraphe qui illumine le sens sous un jour insoupçonné. Ce roman cerne la prose du monde avec une poésie irisée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel que désirent ardemment tous les protagonistes de cette fiction. Une poésie qui se penche avec l’élégance de la manière sur les intermittences du cœur et se saisit de l’essence de l’homme, elle est alors épique.

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