Culture

L’UEM entre politique et littérature

ALM : L’UEM s’est ouverte sur le monde des littératures occidentales. Est-ce voulu ?
Hassan Nejmi : Il est certain que l’image que les gens se font de l’UEM n’est pas tout à fait conforme à la réalité. On la considère comme une institution artistique et culturelle s’intéressant surtout aux écrits en arabe et aux auteurs marocains de langue arabe. Les choses ne se passent pas ainsi. Depuis la fondation de l’UEM en 1960, du temps de feu Mohamed Aziz Lahbabi, cet établissement a accueilli en son sein des écrivains s’exprimant en des langues différentes : arabe classique, darija, amazigh ou français. L’UEM perpétue cette tradition, mais en veillant à s’ouvrir encore plus sur les langues de l’autre et sur les autres géographies littéraires et culturelles. À cet égard, nous avons réalisé plusieurs projets culturels en partenariat avec l’Espagne, la France, la Wallonie-Bruxelles et l’Italie. Et nous sommes en discussion avec nos amis allemands et portugais pour nouer d’autres relations dans ce sens. J’insiste sur le fait que cette ouverture ne présente pas un caractère exceptionnel. Les lois fondant l’UEM précisent que cette institution se compose d’auteurs s’exprimant dans plusieurs langues.
Quels sont les avantages dont bénéficie un écrivain membre de l’UEM ?
Le statut de membre de l’UEM est d’abord symbolique. Cela signifie que lorsqu’un écrivain rejoint l’UEM, il tient avant tout à se réclamer de la famille des auteurs et des intellectuels marocains, et qu’il est soucieux de prendre des positions communes avec cette famille. Cela étant, depuis la moitié des années 70, l’UEM a veillé à militer en faveur des droits des hommes de lettres. Et récemment, on a accentué nos requêtes en vue d’améliorer les revenus des écrivains. Les vrais problèmes qui se rapportent à la situation sociale des écrivains sont en voie de solution depuis que S.M. le Roi Mohammed VI a décidé d’offrir de nouveaux locaux à l’UEM et de veiller à la couverture médicale des écrivains marocains. Cette décision est très importante, parce que pour la première fois l’UEM va garantir à ses membres une couverture médicale.
Est-ce qu’il existe une tendance politique dominante dans l’UEM ?
Nous sommes indépendants. L’UEM est ouverte à tous les écrivains et intellectuels indépendamment de leur appartenance politique. Il y a des écrivains partisans, mais la majorité des membres sont indépendants. Il n’existe aucune loi dans l’UEM qui stipule une appartenance politique comme condition d’adhésion. Et personne ne peut obliger un membre de révéler son appartenance politique. C’est de la production littéraire qu’il est d’abord question dans notre institution. Cela dit, il y a eu depuis toujours une polémique au sujet de l’UEM. On disait que c’est une institution politique à la solde de certains partis. Cela avait été dit de l’Istiqlal quand Abdelkrim Ghalab était président de l’UEM. La même chose a été dite de l’USFP lorsque Mohamed Berrada ou Mohamed Achaâri ont été à la tête de l’UEM. Mais personne n’a pas pu prouver que cette institution a servi les intérêts d’un parti politique.
Vous avez souvent défendu les idées de l’USFP et l’on vous a vu à l’occasion des dernières législatives soutenir publiquement certains responsables de ce parti. Vous faites cela également en votre qualité de président de l’UEM. Qu’en pensez-vous ?
En tant que personne, j’ai mon point de vue sur les différents sujets de notre société. Et il arrive que ma position soit différente de celle du parti auquel j’appartiens. Je n’ai pas besoin d’entrer dans les détails, tout le monde sait cela. Et je tiens à dire que je ne me retrouve pas toujours dans les positions de l’USFP. Je ne m’y sens pas représenté. Et puis, quand il m’arrive de défendre les idées du parti, cela ne signifie aucunement que mon point de vue est contraignant pour l’UEM. Les Marocains ne sont pas naïfs pour confondre ma voix en tant que journaliste avec celle qui parle au nom de l’UEM. Bien plus : quand je suis à l’UEM, je veille plus que toute autre personne pour qu’il n’y ait pas de joint entre mes attitudes personnelles ou les positions du parti et celles de l’institution qui regroupe des écrivains.
Les dirigeants de votre parti exercent-ils des pressions sur vous ?
Il serait très humiliant pour moi de recevoir un coup de fil d’un dirigeant qui chercherait à faire adopter à l’UEM une position conforme aux intérêts du parti. Et s’il y a un responsable dans le parti auquel j’appartiens qui se permettrait de me donner des instructions dans ce sens, je le considérerais comme un homme indigne de la mission qui lui est assignée. Vous savez, on dit tant de choses sur l’UEM. Certains voient d’un mauvais oeil les locaux dont nous a fait don le Roi. Est-ce que cela signifie pour autant que l’UEM va s’aligner sur les positions officielles ! Est-ce cette institution sera institutionnalisée de façon à emboîter le pas au régime ? Je pense que le sens politique fait affreusement défaut à ceux qui tiennent ce genre de propos. Ils n’ont pas encore la maturité recquise pour comprendre comment les choses sont. L’UEM a des requêtes qu’elle ne peut adresser qu’à l’Etat. Lorsque les plus hautes sphères de l’Etat répondent à ces requêtes, on ne va pas les refuser au nom de la non-orthodoxie ! Il est difficile pour n’importe quelle personne et n’importe quel parti de mettre l’UEM dans sa poche. La corporation des écrivains ne peut accepter aucune sorte d’instructions. Cette logique est d’emblée refusée par l’écrivain en tant qu’écrivain. Elle est contraire à sa situation d’homme de lettres.

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