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Mhani Alaoui dépeint une histoire puissante dans le Casablanca contemporain

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La maison d’édition La Croisée des Chemins publie le premier roman en langue anglaise, en sortie mondiale, «The House On Butterfly Street». Un livre fascinant qui s’inscrit dans le genre de la fiction documentaire.

Pour sa première publication en langue anglaise, la maison d’édition La Croisée des Chemins dévoile «The House on Butterfly Street», le troisième roman de l’écrivaine et anthropologue Mhani Alaoui. Ce roman, préfacé par Chaouki El Hamel, professeur d’histoire et directeur du Centre des études maghrébines à Arizona State University, décrit une histoire puissante, dans le Casablanca contemporain. Elle montre les violences des rapports sociaux et leur catégorisation enfermante. Une histoire qui en explore une autre, celle étouffée et réprimée d’une ville et d’une civilisation (l’esclavage, la colonisation, la place des femmes et des enfants) à travers les traumatismes, les épreuves et les triomphes de ses personnages. Ce roman est d’ores et déjà sélectionné pour le prestigieux prix littéraire américain The 2023 Somerset CIBAs for Literary and Contemporary Fiction.

Hommage à Aicha Chenna
Il faut dire que Mhani Alaoui présente ici un roman fascinant et puissant qui s’inscrit dans le genre de la fiction documentaire. «L’auteure utilise des situations fictives pour approfondir notre compréhension des expériences vécues dans le Maroc contemporain. Le thème principal du roman est l’effondrement d’une famille, dans la ville de Casablanca, et ses liens avec d’autres personnages centraux. Mais l’accent est mis sur les femmes qui naviguent à travers des blessures intersectionnelles, des femmes qui sont les victimes et les héroïnes d’un système social injuste. C’est une analyse microsociologique qui reflète les maux de toute la société», lit-on dans l’extrait de la préface de Chouki El Hamel. Selon lui, «The House on Butterfly Street» illustre ce qu’un roman peut offrir à une société profondément dysfonctionnelle à plusieurs niveaux. Il capture différentes manières à travers lesquelles les comportements et les attitudes des gens deviennent oppressants dans une société conditionnée à être sexiste et raciste. «Bien que le livre soit fictif, certains des personnages sont réels, tels que Aicha Chenna, fondatrice de l’Association Solidarité Féminine à Casablanca, visant à aider les mères célibataires et les femmes victimes d’abus, et décédée en 2022. L’auteure lui rend hommage dans ce roman en créant le personnage de Nayla qui suit les traces de Chenna dans la lutte pour les droits des femmes. Il est donc approprié qu’Alaoui ait dédié ce livre à Chenna, une femme aimée pour son activisme social. Enfin, Mhani Alaoui a observé que même les rues sont rarement nommées d’après des femmes ».

Diverses formes de catégorisation
Pour sa part, la sociologue, professeure-chercheure à l’Université de Ain Chock à Casablanca, Leila Bouasria, témoigne que ce roman retrace les diverses formes de catégorisation, leur impact sur les rapports sociaux ainsi que le sort qui leur est voué. «Le livre dépeint une catégorisation qui découle d’identifications ethniques et de positions sociales précaires qui ne peuvent être saisies qu’articulées les unes aux autres», indique-t-elle. Avec des termes francs mais exempts de dolorisme, l’auteure, note-t-elle, décrit avec finesse la manière dont se vit à Casablanca, la criminalisation de la différence. «Sous la plume de Mhani Alaoui, la « noirceur », la migration subsaharienne, la domesticité ou la maternité célibataire s’incarnent pour mieux mettre en évidence les représentations qu’elles charrient dans l’imaginaire populaire et dans les faits», relève-t-elle .

Une fois de plus, le roman retrace l’histoire le foyer de Nadine et Kamal Mesari. Il abrite six des principaux personnages du roman, dont Nadine et Kamal : Al, leur fille qui a perdu l’usage de la parole depuis plus d’un an, Jeanne, l’immigrée sénégalaise qui gagne sa vie en étant sa nourrice, Ghalia, l’étudiante qui travaillait l’été chez les Mesari pour joindre les deux bouts et qui a disparu, et enfin, Dada Amber, fille et petite-fille d’esclaves, qui n’a jamais connu autre chose qu’une vie au service des mêmes maîtres. «Un matin, Nadine se réveille pour trouver une enveloppe scellée avec son nom à l’avant. Lorsqu’elle l’ouvre, elle découvre un article de journal concernant une mère célibataire et son nouveau-né, né hors mariage, que la mère a nommé Noor, ce qui signifie «Lumière» en arabe. Nadine sait que les enfants nés hors mariage et leurs mères sont des parias légaux et sociaux dans son pays, et elle se demande pourquoi le journaliste a inclus le nom de l’enfant et pourquoi elle-même a reçu cette histoire. Attirée par ces particularités, comprenant qu’elle est liée à cette histoire de manière encore inconnue, et émue par le nom de l’enfant, Nadine se lance dans une recherche à travers les quartiers de Casablanca pour trouver cette femme et son enfant et découvrir ce qui les lie», lit-on dans la présentation.

C’est le titre de la boite
À propos de l’auteure
Mhani Alaoui est une écrivaine et anthropologue basée à Casablanca. Elle a vécu aux Etats-Unis, pendant douze ans, où elle a commencé par étudier la littérature comparée et l’histoire récente ainsi que les cultures du monde arabe. Elle a ensuite obtenu un PhD en anthropologie de l’Université de Princeton, se concentrant sur la migration illégale et les zones grises des frontières dans le bassin méditerranéen occidental. Elle a été professeure de sociologie et d’anthropologie à l’École d’Architecture de Casablanca jusqu’à l’été 2021. Son premier roman, Dreams of Maryam Tair, publié en 2015, a reçu le prix du livre de l’éditeur indépendant et le prix Indiefab. Son deuxième roman, Aya Dane, est sorti à l’automne 2018.

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