«Mona Saber» commence dans un cimetière à Paris. Une mère discute avec sa fille à proximité d’une tombe.
La première révèle à son enfant que l’homme enterré devant elle n’est pas son vrai père. Son géniteur est marocain, et porte le nom de Mahmoud Saber. Il a disparu sans laisser de trace, il ne subsiste de lui qu’une lettre envoyée d’Essaouira. Mona (Carmen Ramos) part alors à la recherche de son père. Elle atterrit à Casablanca. Elle est assistée dans sa quête par un couple : Leyla (Asmaâ Khamlichi) et son compagnon Yacine (Khalid Benchagra).
De fil en aiguille, Mona apprend que son père a été arrêté pendant les années dites de plomb. Elle retrouve à Essaouira la maison où vivait son père, et une tante à moitié folle qui répète inlassablement : «Derb Moulay Chrif».
Mona retrouvera finalement son père, ou du moins ce qui en reste, dans la mémoire de ceux qui l’ont connu: il est mort. Cette quête d’un disparu est aussi un voyage initiatique. Mona fera en quelque sorte sa mue au Maroc. Celle qu’on voit à la fin du film n’a rien à voir avec la Parisienne frivole de la première scène: le combat de son père l’a changée. C’est ainsi qu’on peut brièvement résumer la trame du premier long-métrage de Abdelhaï Laraki.
Sur le plan technique, « Mona Saber » est à tous égards réussi. L’on ne verra pas ici les défauts du son et de l’image auxquels nous ont habitués certains films marocains.
« Mona Saber » est d’une facture qui le rend apte à rivaliser avec des films internationaux. À cet égard, la lumière est particulièrement soignée dans ce long-métrage.
Les reflets, les miroitements, le clair-obscur des scènes intimistes ont été superbement rendus par Kamal Derkaoui, le directeur photo du film. Ce travail sur la lumière surprendra par sa qualité plus d’un spectateur. La musique, composée par Mathias Duplessy, épouse la thématique du film. Elle ajoute du sens à certaines séquences. Au demeurant, Abdelhaï Laraki a orchestré certaines chansons du répertoire marocain d’une façon pertinente. L’un des moments forts du film doit beaucoup à une chanson de Nass El Ghiwane.
Par ailleurs, le jeu des acteurs est inégal. Abdelhaï Laraki a fait un choix audacieux en optant pour de nouveaux visages. Il a permis à Asmaâ Khamlichi, qui avait jusque-là tenu des rôles secondaires, de révéler l’étendue de ce qu’elle peut faire.
Une nouvelle star du cinéma national est née dans ce film. Au reste, le personnage incarné par Carmen Ramos lui a imposé de jouer de deux façons distinctes. Au début, on n’entre pas vraiment dans son jeu, elle n’a pas de présence. Mais après la scène très symbolique où elle vomit, un autre personnage renaît. Carmen Ramos a en quelque sorte vomi son inconséquence ancienne pour s’ouvrir à la réalité du pays de son père. Khalid Benchagra est un bel acteur. Il joue bien quand il ne parle pas. En effet, sa voix porte un préjudice à son jeu.
Il lui suffit juste de la travailler un peu pour qu’il soit notre Georges Clooney ! Avec ce premier-long métrage, Abdelhaï Laraki ajoute une oeuvre distinguée au cinéma marocain. Il reste au réalisateur de développer les séquences qui ont ému les spectateurs. Vivement son prochain long alors !