Culture

Moujahid ou le syndicalisme constructif

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Syndicaliste et journaliste. Le "mélange" donne quelque chose d’assez bizarre, mais le "cumul", quand on est en présence de militants de la trempe de Younès Moujahid, peut contribuer non pas seulement à améliorer la condition des siens, mais aussi à tirer vers le haut toute la profession. Le "grand frère" des journalistes a contribué à donner ses lettres de noblesse au Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), à l’origine fondé par des patrons de presse, pour en faire un acteur incontournable dans l’essor de tout le secteur au Maroc.
Younès comme l’appellent tous les journalistes marocains est arrivé à la tête du SNPM il y a près de dix ans, soit encore douze ans après avoir intégré cette bonne vieille école d’un "Al Ittihad Al Ichtiraki" dont les vétérans animent bien des publications nationales. Ceux qui le connaissent de près savent qu’il est intraitable sur l’unité du syndicat qu’il préside. Il a fait face, fermement, à maintes tentatives de scission. «Il tient à ce que les journalistes marocains puissent constituer un front uni pour faire entendre leur voix», affirme un membre du bureau national du SNPM. Cette voix, Younès Moujahid a réussi à la faire entendre en participant aux divers chantiers de modernisation du secteur. Le SNPM a été partie prenante dans l’élaboration du contrat-programme avec la presse nationale ayant permis de déboucher sur un mode de répartition des subsides publics sur la base de critères plus transprents.
Younès est rompu à la négociation. Comme tout syndicaliste qui se respecte, il est pour une revendication du maximum pour obtenir plus que le minimum. Pressé, il ne l’a jamais été. Il croit que tout est possible quand on y met du cœur et de la patience. Ex-Ila Al Amam, il lui arrive de piquer des colères bleues et de dire ses quatre vérités à son interlocuteur.
Quand Abderrahman Youssoufi est nommé Premier ministre, il lui signifie clairement qu’il ne saurait être question d’un "Al Ittihad Al Ichtiraki" avec quatre photos à la "Une" des ministres socialistes. Il en fait les frais d’ailleurs avec 75 % des salaires de plusieurs mois qui passent à la trappe. C’est qu’il avait encore des "circonstances aggravantes". Face au gouvernement dirigé par les siens, il a dit non à un Code de la presse que son syndicat jugeait plus perfectible. A Ila Al Amam, il claque la porte, en compagnie d’autres militants, pour protester contre une ligne politique dépassée. Mais après avoir également payé un lourd tribut pour son adhésion au mouvement d’Abraham Serfaty : arrêté à l’âge de 20 ans, il écope, un an plus tard, de 10 ans de prison ferme. Quelques années après, il figure parmi les membres fondateurs de l’OMDH (Organisation marocaine des droits de l’Homme).
Younès Moujahid n’aime pas ceux qui se paient la tête des gens. Et plus celle des Marocains. Il n’hésite pas, lui qui connaît les dédales des rédactions nationales, à contredire les assertions de rapports internationaux plutôt tendancieux. Ni à s’élever contre les entorses faites à la déontologie du métier, l’un des chevaux de bataille du SNPM, mais aussi de la FMEJ (Fédération marocaine des éditeurs de journaux). Sociologue de formation, il connaît les mœurs et traditions d’un pays qu’il n’aime pas qu’on traîne dans la boue.  
L’ambassade américaine ayant entamé des contacts directs avec quelques publications pour un "sombre" projet de partenariat, il crie haut et fort que la chose est inacceptable et qu’il y avait d’autres canaux, plus "normaux" pour une collaboration transparente.
Hispanophone comme la majorité des "gens du Nord", Younès Moujahid collabore avec l’agence espagnole EFE depuis 1988. Mais ne compte plus les titres et les études. Il est vice-président de la commission des libertés au sein de la Fédération arabe des journalistes. Titulaire de deux diplômes universitaires sous la houlette de Fatima Mernissi et Mohamed Guessous, son action à la FIJ, la plus prestigieuse organisation mondiale des journalistes où il siège depuis trois mandats au comité exécutif, a fini par payer. Davantage. Militant USFP et membre du conseil national du parti de Mohamed Elyazghi depuis le congrès de juin 2005, il s’interdit de mêler syndicalisme et politique. «La seule politique qui vaille pour lui est la défense des journalistes, tous les journalistes qu’ils soient salariés de "Attajdid" ou des licenciés de la presse RNI», indique un membre du SNPM. Younès Moujahid ne compte rien céder sur l’essentiel : améliorer la situation des journalistes, et tirer toute la profession vers le haut. Il est aujourd’hui l’un de ces hommes, réalistes, qui croient dur comme fer que le consensus est la solution la plus honorable pour tout le monde.

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