ALM : Il y a un peu plus d’un an, Timitar a été classé par un magazine de renom parmi les 25 meilleurs festivals au monde. Cela vous responsabilise-t-il davantage vis-à-vis de votre public ?
Brahim El Mazned : Bien évidemment. Nous avons un plus grand défi qui est celui de faire de chaque édition un succès et de maintenir sa qualité si ce n’est l’améliorer. Cette responsabilisation est non seulement vis-à-vis du public mais également des artistes et aussi des valeurs sur lesquelles Timitar a été créé. Être classé par le prestigieux Songlines magazine parmi les 25 meilleurs festivals internationaux au monde est une belle reconnaissance pour le festival.
A-t-il été facile d’en arriver là ?
Je dirais que oui. C’est venu naturellement puisque c’est le fruit d’un travail qui ne date pas d’hier mais de plusieurs années. Depuis 2007 nous œuvrons pour faire du festival, au-delà d’un vecteur culturel à identité amazighe, un vrai rendez-vous touristique, économique et social. Timitar est également un projet qui a été créé pour défolkloriser la culture amazighe et lui donner la place qu’elle mérite. Au fil des ans, on peut dire que le résultat est là. Ce festival a su fidéliser son public et n’attire pas moins d’un demi-million de spectateurs à chaque édition.
Compte tenu de ce qu’on vit aujourd’hui, un festival comme Timitar peut-il servir de résistance ou de contrepoids à l’obscurantisme?
Il suffit de se dire que chez nous, l’espace public est occupé par des spectateurs de tous horizons, porteurs de valeurs d’ouverture et de tolérance. C’est formidable. Quelque part ailleurs, l’espace public est envahi par d’autres «phénomènes». D’autres pays n’ont pas ce luxe et nous jalousent pour ça. Ceci dit, il faut savoir que sortir et «occuper» l’espace public est une vieille tradition amazighe au Maroc.
C’est-à-dire…
Dans le passé, les gens descendaient d’une vallée à une autre, traversaient les oueds pour se retrouver. C’est là que les échanges ont lieux, des business naissent et c’est là aussi que des mariages sont noués. Ça perdure aujourd’hui dans l’anti-Atlas où l’on se retrouve autour des moussems et Ahwach.
Pour revenir à la musique. Pourra-t-on considérer que la chanson amazighe a la place qui lui revient de droit aujourd’hui sur la scène nationale et même internationale ?
Elle a toujours eu une bonne place dans le milieu. Souss est la deuxième région la plus dynamique en production musicale après celle de Chaouia. Il s’agit d’une donnée quantitative mais il faut savoir que nous assistons à une évolution qualitative aussi, notamment chez les jeunes artistes.
Les échanges avec les artistes internationaux et l’ouverture sur d’autres styles, que permet Timitar notamment, y sont-ils pour quelque chose ?
Il existe en effet de plus en plus de rencontres entre artistes amazighs et internationaux et ça ne peut qu’être enrichissant. Au-delà de ce fait, il y a une palpable volonté chez les jeunes de s’imprégner des anciens. Cette relève est à la fois consciente et responsable et il faut lui apporter le soutien dont elle a besoin.
Vieux Farka Touré, Yuri Buenaventura, Macadi Nahhas et d’autres artistes débarquent des quatre coins du monde pour se produire sur les scènes de Timitar. Quels a priori ont-ils généralement sur la culture amazighe ?
Ces artistes savent où ils débarquent. Un festival comme Timitar qui se tient dans un pays et dans une ville à forte identité amazighe provoque beaucoup d’intérêt et ce, non seulement chez les artistes mais également chez les médias et les spectateurs.
Cette année Timitar rend à la fois hommage à James Brown et à Oum Kalthoum. Pourquoi ces choix ?
Pour l’hommage à Oum Kalthoum, c’est un clin d’œil que l’artiste jordanienne Macadi Nahhas a souhaité faire à l’occasion du 43ème anniversaire de sa disparition. Via ces hommages également nous voulons exprimer notre sensibilité envers des artistes ayant marqué l’histoire de la musique durant le siècle dernier.