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Entretien avec Gérard Edery, chanteur séfarade : «La synagogue est un endroit intime avec une vibration tellement profonde»

© D.R

Le chanteur Gérard Edery a animé, vendredi dernier, un concert époustouflant au sein de la synagogue Slat Al Fassyine (Ibn Danan) à Fès lors du 24ème Festival des musiques sacrées du monde. Nous l’avons rencontré à l’issue de son spectacle dans ce lieu de culte. Il s’exprime sur les particularités de cet endroit et sur sa musique séfarade.

ALM : Vous êtes né à Casablanca et vous avez grandi, voire évolué à l’étranger. Quelles affinités gardez-vous avec le Maroc ?
Gérard Edery : À chaque fois que je reviens au Maroc, je suis très profondément touché parce que c’est la terre de mes ancêtres. Du côté de mon père, nous étions judéo-berbères pendant bien des siècles. Mon grand-père ne parlait que l’arabe. C’était vraiment une expérience de grandir ici au Maroc. Je n’ai passé que les quatre premières années de ma vie au Royaume. Après, nous avons été à Paris pour cinq ans et New York pour la plupart de ma vie. Mais, à chaque retour au Maroc -d’ailleurs c’est ma troisième apparition à ce festival, j’étais là pour la première édition avec Mounir Bachir, le grand joueur de luth (oud)-, je suis particulièrement touché par le rapprochement qu’il y a toujours eu entre juifs et musulmans. Le Maroc est un pays ouvert et modéré. Et le meilleur côté de l’Islam, pour moi, se trouve ici.

Quelle différence entre vos deux précédentes apparitions au festival et celle à la 24ème édition ?
La première fois, avec Mounir Bachir, c’était une très grande salle, dans un palais dont je ne me rappelle plus le nom. Il y avait environ mille personnes. La deuxième fois, c’était à Bab El Makina pour la 20ème édition du festival. Ainsi ma seconde apparition et mon troisième concert ont été mes deux spectacles préférés. La synagogue est un endroit très intime avec une vibration tellement profonde. Je préfère même y chanter sans micro. L’acoustique est très bonne ici et les musiciens s’entendent subtilement. On arrive à s’écouter d’une manière qu’on ne peut pas toujours avec un système de sonorisation. C’est rare que je trouve une situation parfaite avec sonorisation. Tellement l’acoustique est bonne que je reviendrai même pour faire un CD en particulier.

Avez-vous adapté votre concert à cet endroit ?
Non parce que mon répertoire est toujours le même. Mais je vis dans le moment et à chaque fois que je me produis, c’est une expérience différente. Chaque fois que je chante une chanson puisqu’il y a celles que je chante depuis vingt ans ou plus, c’est une expérience différente. J’essaie d’être très ouvert à ce qui se passe autour de moi. Quand l’atmosphère, le lieu, l’acoustique, le public sont différents, alors mon interprétation sera différente. Je ne suis pas comme un robot. On joue, on s’écoute, on improvise et on ne sait jamais. C’est la magie de rester très ouvert à toutes les possibilités d’interprétation y compris dans le chant séfarade. Pour moi, cette musique est particulièrement ouverte non seulement philosophiquement parce que c’est une musique qui rapproche les juifs et les musulmans ainsi que les Espagnols à l’Andalousie.

Comment expliquez-vous votre alliage entre le folk et la musique séfarade ?
La musique séfarade est le folk. Celui-ci signifie peuple en anglais. C’est la musique du peuple, voire une tradition orale qui s’interprète et se réinterprète le long des siècles et des années. C’est aussi une musique du peuple. A l’origine, la musique séfarade était seulement accompagnée par un petit tambour et le battement des mains. Elle n’était pas instrumentale mais une musique qui aidait à transmettre les histoires. Quand on voit des chansons des temps médiévaux par exemple, il y a une quinzaine, voire une vingtaine de vers et de strophes parce que cette chanson nous racontait une histoire. Ainsi, les histoires se rapprochent à la musique. Celle-ci se rapproche à son tour aux histoires qui constituent notre patrimoine et tradition orale.

Où réside la difficulté du mélange entre différents chants séfarades?
Pour moi, je ne trouve pas de difficultés parce que c’est une musique qui est très proche de mon cœur et de mon âme. J’ai aussi un entraînement classique. Je suis chanteur lyrique, j’ai également chanté de l’opéra pendant des années. J’ai une maîtrise de ma voix et j’ai étudié la guitare classique, le flamenco et des styles folkloriques de partout dans le monde. C’est pourquoi j’approche cela comme ma raison d’être. Les difficultés c’est, par exemple, de trouver parfois exactement l’arrangement ou l’interprétation qu’il faut. Mais je ne vois pas cela comme difficile. Pour moi, c’est ma vie !

Comment s’est faite votre rencontre avec les deux autres membres de votre trio lors du concert ?
Le luthiste, joueur de qanun, chanteur et enseignant safiote, Abdou Ouardi, est un maître de son instrument. Nous avons vraiment des atomes crochus. Nous nous sommes connus seulement il y a quelques jours parce qu’il a fallu que je change la distribution du groupe. Nous allons nous reproduire ensemble bientôt parce que quand on trouve un musicien qui est sur la même longueur d’onde, c’est fantastique. Quant à mon percussionniste Robert Siwak, je travaille avec lui depuis environ sept ans en Pologne.

 

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