ALM : Comment s’est dessiné le canevas de ton livre consacré à des conversations avec Adonis, ton père ?
Ninar Esber : A partir d’une centaine de questions, j’ai créé ce dialogue avec mon père Adonis car je ressentais le besoin de le connaître davantage, de passer plus de temps avec lui, d’écouter ses histoires et surtout les réponses à mes interpellations, combien nombreuses.
Combien de temps ces conversations ont-elles duré ?
A peu près trois à quatre mois et une année entre retranscription, traduction, mise en forme et corrections. Le livre est sorti aux éditions le Seuil en mars 2006.
Comment s’est faite ton invitation au Salon du livre 2008?
C’est grâce à Mr Nedjmi. Il a lu mon livre, l’a apprécié et m’a alors invitée.
C’est pour quand les traductions du livre ?
La traduction en arabe, sortira en septembre prochain. Il a également été traduit en suédois et sortira à Londres bientôt et en Italie en 2009.
Sur quoi portaient tes interrogations?
Je n’ai voulu en aucun cas poser des questions comme l’aurait fait une journaliste ou une critique d’art. J’ai posé des questions comme l’aurait fait une fille à son père. J’ai profité de cette occasion, pour lui poser des questions sur la créativité, le vrai sens de l’artiste-créateur, les contraintes, les conditions…
Tu conversais avec le père, l’ami ou le poète ?
Mon père a toujours eu envers moi une attitude plutôt de grand ami. Il n’a jamais été un père au sens classique du terme. J’ai été surprise de voir surgir ce côté classique de la personne…
Le livre contient des arrière-plans constitués d’une dizaine d’entretiens très intimes, sur la liberté, l’Islam, la poésie, sa Syrie natale, le Liban, sur la femme, le voile, le monothéisme, le terrorisme, le fanatisme, la sexualité, le désir, le mariage… et bien entendu sur la création.
Tes interrogations sur la religion?
C’est la religion au niveau politique, toutes ces animosités, ces haines insensées que l’on vit juste après le 11 septembre. Le fanatisme qui éclate et prend des dimensions incommensurables portant ainsi atteinte à nos libertés individuelles, les droits de la femme… La religion ne doit pas être une somme de lois que l’on est forcé de subir.
Elle doit être une source de paix avec soi et avec les autres.
J’ai posé des questions par rapport à la société arabe, le pourquoi et le comment de cette stagnation et de cet immobilisme angoissants.
Quinze années au Liban et bientôt 21 ans en France, à laquelle des deux cultures appartiens-tu le plus ?
Aux deux, qui n’en font qu’une en fin de compte. C’est comme une pâte où vous mixez des œufs, de la farine, du fleur d’orangers, de la crème fraîche… pour obtenir un tout homogène et harmonieux. J’appartiens à la culture universelle, celle créée par les hommes.
Jusqu’à quel point es-tu influencée par ton père?
Là encore, c’est une mixture, c’est une diversité et une ouverture d’esprit, le respect de toute les cultures, la curiosité créative, ne jamais juger les gens, mais faire un pas vers l’autre. Ma mère est aussi écrivaine et critique littéraire… Mais j’ai aussi mon univers propre à moi, j’utilise beaucoup la vidéo et la performance, c’est un univers indépendant de celui de mes parents où la création devient mon corps et mon corps devient création.