Entretien avec Omar Majjane, président de l’association Semnid pour le développement social
L’exposition «Lady Berbère» met en valeur les tapis de femmes rurales issues d’Azilal. Omar Majjane, président de l’association Semnid pour le développement social, intermédiaire entre ces artistes et la collectionneuse Nathalie Heller Loufrani et Stéphanie Cassan qui a imaginé cette exposition, précise les particularités de ces créations conçues à base de produits recyclés, simples et abordables. M. Majjane, dont la structure œuvre également contre l’abandon scolaire des filles rurales, s’exprime sur ses projets pour ces femmes artistes dont les produits valent l’attention du public marocain.
[/box]
ALM : Votre association organise, avec des partenaires de taille, l’exposition «Lady Berbère», qui se tient jusqu’au 15 juin à Marrakech. Quel en est l’apport pour les femmes participantes ?
Omar Majjane : Tout d’abord, cet événement, que nous organisons en partenariat avec l’Institut Français et l’agence Virage, a pour idée de faire découvrir cet art du Moyen-Atlas et de valoriser ces femmes. Celles-ci font du recyclage de vêtements et de sacs de farine. Via ces moyens, ces femmes ont créé des tableaux. Cette exposition est un message à travers cet art. C’est aussi un moyen de communication sur leur art tel qu’elles le pensent. Ce projet est également fait en partenariat avec Stéphanie Cassan qui l’a imaginé et la collectionneuse Nathalie Heller Loufrani. Pour organiser cette exposition, une comparaison a été établie entre les tapis modernes et traditionnels. D’autant plus que ces tapis sont créés avec des produits et des matières utilisés par les femmes, simples et qui ne sont pas chers. Le tout avec une touche artistique. Pour répondre à votre question, ces femmes rurales à Azilal ont, à travers cette manifestation, un apport au niveau culturel parce qu’elles avaient besoin d’être révélées. Chose que nous avons faite sous forme de tableaux.
Le grand public ne connaît pas les tapisseries «Zindekh» conçues par ces femmes artistes. Pourriez-vous nous parler de leurs caractéristiques ?
Elles ont la particularité d’être conçues à base de produits recyclés. Au lieu de jeter les sacs de farine et vêtements, elles en ont fait des sources de revenus. Aussi, dans leurs œuvres, elles véhiculent des messages culturels à travers le tifinagh et des mosquées entre autres.
Qu’en est-il du contact entre les femmes de l’association et la collectionneuse Nathalie Heller Loufrani? Comment a-t-il été établi ?
C’est à travers notre association, qui signifie «en avant» en berbère. Nous sommes un intermédiaire. D’autant plus qu’une visite de terrain a été organisée à travers l’Institut Français. Par l’occasion, nous sommes dans le réseau Euromed France et nous œuvrons également dans l’axe consacré à l’abandon scolaire. Nous avons un centre d’accueil qui milite contre l’abandon scolaire des jeunes filles rurales que nous y accueillons avec une prise en charge totale. Nous leur proposons également de concevoir, pendant les vacances scolaires, des logos pouvant servir à meubler les tapis des femmes. A travers notre association, nous voulons aussi créer un foyer pour augmenter le nombre de filles bénéficiaires et un autre centre pour atteindre le nombre d’une soixantaine de filles dès l’an prochain. Pour les accueillir, nous travaillons sur plusieurs critères, notamment l’état de pauvreté et l’excellence. Le tout en recourant à la médiation familiale parce que certains parents ne laissent pas leurs filles recevoir leur éducation. Je tiens à préciser que ces filles ne sont pas forcément issues des femmes qui font les tapis. Bien que la plupart des mères fassent le tapis, la relation entre les deux consiste à ajouter des bénéficiaires et à créer des sources de revenus voire préserver l’art de tapisserie du monde rural.
Et quelles seraient les retombées à long terme de cet événement pour ces Lady Berbères ?
Déjà, l’exposition est une occasion pour présenter les œuvres de ces femmes. D’autant plus que nous voulons valoriser voire commercialiser les créations de ces femmes en proposant leurs œuvres à des hôtels et sociétés. Nous devons encourager le public marocain à acheter ces créations. Par exemple, les personnes qui veulent faire leur prière peuvent bien acheter ces tapis meublés de mosquées. Lors de l’événement à Marrakech, l’ambassadrice de France au Maroc, Hélène Le Gal, nous a appris qu’elle allait développer ce projet avec nous.
Auriez-vous d’autres projets pour ces conceptrices ?
Nous ne sommes qu’au début. Pour l’heure, nous voulons créer des coopératives structurées pour commercialiser les œuvres de ces femmes en attendant la demande du public en leurs produits. A travers cette demande, nous allons faire avec, produire et commercialiser à la fois. Ce serait une valeur de plus pour ces femmes parce que leurs créations, qui ne prennent que trois jours au maximum, font partie d’un projet qui couvre plusieurs axes, notamment celui culturel, éducatif et environnemental avec un budget et des prix raisonnables.