Culture

On a tous dans le coeur une île pour rêver

© D.R

Oui mais alors, pour le transport, je ne veux ni bateau ni avion ; j’ai horreur du mal de mer et des trous d’air. Faites appel à Dani Lary : il vous transbahute les gens d’un point à l’autre de la planète en même pas une seconde, en pleine hypnose en plus ; ça ma va. Alors, qu’est-ce que j’emmène ? Des objets bien sûr, c’est la règle. Mais, comme selon Sartre et Lamartine pour une fois d’accord, il faut avoir pour être et que donc il faut être pour avoir, moyennant quoi les objets ont une âme – c’est toujours ça d’acquis – , j’emporterai les dix objets autorisés avec leur âme dedans, qui s’attachera à la mienne – que j’embarque aussi – et la forcera d’aimer. Et toc ! Vous dites qu’on a droit aux grands et gros objets – charge affectivo-culturelle comprise donc – et j’hésite pour le premier entre la Tour Eiffel, la statue de la Liberté, le pain de sucre de Rio, les jardins Majorelle, la Koutoubia, mais je me décide finalement pour la maison de Marcel François dans les jardins exotiques de Bouknadel, sans Marcel François ni sa dame dedans – de toute façon, ils sont déjà morts –, avec fenêtres ouvertes aux quatre horizons sur Wameru, enrobée de lierre et ceinte de sensitives qui crient papa dès qu’on les touche, aux murs dégoulinant vingt-quatre heures sur vingt-quatre de musique: Bach, Gluck, Vivaldi, Haendel. Au moins ça d’acquis : la zique, et la grande. En deuxième objet – j’espère qu’ils ont l’électricité sur votre île – j’emmène un ordinateur dernier cri avec une jolie forme de grande conque marine et plein de petites puces intelligentes : accès à l’Universalis, au Quillet, aux oeuvres des grands auteurs, de quoi écrire, de quoi dessiner, de quoi contempler la Joconde, la Liberté guidant le peuple, l’Angélus de Millet, les fresques de Roman Lazarev, de quoi entendre les voix de MM. Cocteau, Gide, Mauriac, Sartre… C’est grand, c’est beau, c’est généreux, l’informatique, la plus noble conquête de l’homme, bien après le cheval, et avec l’informatique, on a tout. Que demander de plus ? Il me reste huit objets ? L’oeuvre complète de Racine. Celle de La Fontaine. El Maarri. Pour pouvoir les toucher, tourner des pages. Ça fait cinq. Encore cinq à trouver ! Alors là, je peine. Un album de photos : six. Le petit coquillage que tu m’as donné quand tu avais deux ans en me disant de te le garder et que tu ne m’as jamais plus réclamé depuis : sept. La canne de ma grand-mère, bien sûr : huit. Un tableau de Jacques Azéma, ah ! oui : neuf. Et dix : une nappe à carreaux – je vous laisse choisir les couleurs, verts, rouges, jaunes, mauves – pour me souvenir des crêpes de madame Barberin, des soirées d’hiver près des chenets, et du vieux chemineau qui vient coller son visage au carreau embué. On n’emmène jamais que des souvenirs. Et les souvenirs sont toujours beaux.

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