De Bab El Had à Rabat en passant par Derb Ghalef à Casablanca, tous ces fiefs du commerce informel, qui nous arrange bien tous (il faut le reconnaître !), sont aujourd’hui en émoi face à l’action anti-piratage menée par les groupes de télévision par satellite. Et nous aussi, nous le sommes en émoi… Combien de fois au cours des semaines passées n’a-t-on pas entendu dire ici ou là toute classe sociale confondue : «Mince, je n’ai plus TF1 et toi ?», « Tu sais pas où je pourrais réparer ma carte ? »… La réponse à toutes ces questions existentielles, c’est bien entendu à Derb Ghalef, mais aussi à Bab El Had, et bien d’autres faubourgs chaotiques du marché noir, ces faubourg «annexes» officieusement officielles qui nous permettent de voyager du fond de nos divans (eh oui ! Faute de visas, il faut bien se faire une raison !). Une seule astuce (mais chut, il ne faut pas le dire !), selon l’expression d’un fervent pratiquant et curieux de ce qui se passe dans sa lucarne quand elle s’entête à ne plus émettre ses chaînes favorites (et là il faut savoir que TF1 est la référence en matière de réception car quand on n’a pas TF1, le reste des chaînes intéressantes suit !), et d’après son sauveur-génie du petit écran, je cite : «Il faut changer les paramètres de fonctionnement numérique dans la parabole, afin que les séquences binaires des virus envoyés en ondes sous-porteuses du signal ne soient plus décodées et que le virus ne soit plus activé.».
Alors, ça vous en bouche un coin non ? Maintenant, la traduction. En fait la dernière parade à la mode pour les gros groupes, style TPS et Canal +, et après celle classique et toujours d’actualité de changer les codes, est d’envoyer des virus affectant uniquement les cartes piratées qui sont alors bloquées, et là… Toc ! Plus d’images… Solution : vite, vite… On téléphone à son fournisseur, on se déplace… Tout, pourvu qu’on ne rate pas Star Academy, ou l’élection Miss France ou tous ces bons programmes concoctés pour le nouvel an… Et ça marche! Plus sérieusement et pour dresser un petit bilan, ce type de commerce informel au-delà de s’étendre jusque dans les vallons poussiéreux du Maroc, s’étend hors de nos frontières et commence à vraiment ennuyer pour ne citer qu’elles TPS et Canal +.
Aujourd’hui et depuis un moment déjà, se déroule une guerre de haute technologie qui oppose de petits débrouillards à des groupes de télévision par satellite. Mais la tâche est dure… Ces petits débro-uillards de la lucarne suivent de près l’évolution de la télévision mondiale et cela depuis l’apparition des premières antennes paraboliques sur les toits, au début des années 80. Aujourd’hui ils sont encore à la page et possèdent même l’enseigne officielle de CanalSatellite ou autre, ce qui fait hurler les représentants de l’opérateur TV français, qui viennent même voir de près l’ampleur du piratage dont ils sont victimes. Ces derniers repartent, avec dans leurs poches, des fausses cartes, qui offrent des centaines de chaînes à ses non-abonnés, avec du sport, des films, des émissions, du porno (aussi !)… Le prix de ces cartes aujourd’hui, après l’acquisition du démodulateur, bien entendu, varie entre 100 et 600 dirhams, mais elles décodent absolument tout, et provoquent un véritable rush ! Les cartes, chargées dans les arrière-boutiques des commerçants, tous les mois et plus, pour moins de 50 dirhams décryptent les ondes hertziennes grâce à des programmes récupérés sur Internet : c’est là que réside tout l’enjeu de la guerre.
Régulièrement, la centrale CanalSatellite ou TPS, tente de «griller» à distance les fausses cartes, vainement. Par le biais d’un décodeur, les techniciens parisiens choisissent le meilleur moment (un programme très regardé) pour envoyer un signal. Les cartes sont rendues inutilisable par le procédé et les téléspectateurs pirates n’ont plus qu’à acquérir une nouvelle carte, concoctée dans les ateliers clandestins d’électronique.
Et des ateliers, il y en a plein… Une vraie fourmilière de génies de l’informatique qui grouillent dans les arrières boutiques. La parade de CanalSatellite n’est pas suffisante. Elle repose sur les décodeurs-maison. Pour contourner le problème, et échapper à ces attaques spatiales il suffit donc d’avoir un appareil qui ne provient pas de la société.
Mais lorsque l’on sait que pour être piratée, une chaîne doit d’abord réunir un nombre important d’abonnés, car à défaut, le marché noir ne trouverait pas assez de clients, la conclusion qui s’impose c’est qu’en pratique : les deux offres rivales CanalSattellite et TPS, qui pour le coup luttent la main dans la main, seraient donc victimes de leur succès…