«En dehors de quelques exceptions, les meilleurs des livres marocains sont généralement tirés à 2000 exemplaires, dont seulement 700 à 1100 sont vendus ». Aussi parlante sur la situation du livre marocain, cette déclaration, faite par Hassan Nejmi, au détour d’une longue argumentation, (voir entretien page IV de Rissani) n’en cache pas une autre réalité. Celle qu’il y a des livres qui marchent. Que sont-ils et qui sont leurs auteurs. En vrac, « Le Pain nu », de feu Mohamed Choukri, les écrits de El Mehdi El Menjra, «Errahil» de feu Larbi Batma, « Au-delà de toute pudeur » de Soumaya Noumane Guessous, entre autres oeuvres, occupent le podium de ventes au Maroc, qui se comptent par dizaines de milliers.
Qu’est-ce qui explique tant de succès dans un environnement marqué par un analphabétisme endémique, une pauvreté qui écrase le livre, en fait un luxe aussi inaccessible que superflu, d’une industrie du livre subventionnée, et donc incapable de voler de ses propres ailes, et d’écrivains trop démunis pour avoir un quelconque poids. Un petit tour d’horizon révèle qu’il existe des points communs sous-jacents aux créations précitées. Ces points ne sont autres que la société marocaine, ses craintes et espoirs, ses angoisses et aspirations, ses richesses et ses tares. Ces livres sont pour la plupart un regard sincère sur ce qui fait le quotidien de chaque Marocain et auquel tout un chacun parmi nous peut s’identifier. Nous sommes loin des écrivains off-shore et dont la « production » est destinée, au sens propre comme au figuré du terme, à l’export. Loin des milieux savants qui se vantent de leur art.
Nous sommes dans l’univers de gens qui partagent notre quotidien, qui prennent le temps pour en saisir les différentes facettes et usent de leurs talents, parfois multiples, pour nous le dévoiler…à en mourir. Une société en tout cas authentique, réelle, vraisemblable. En tout cas, représentable. Des coeurs marocains ouverts à d’autres, tout aussi marocains. C’est cela le succès. Et là est la popularité.