Culture

Rabat : démolition du marché des fleurs

© D.R

Pour les fleuristes de Rabat, la nouvelle a fait l’effet d’un coup d’assommoir. Leurs tentatives désespérées pour arrêter, lundi dernier, les bulldozers ayant été dépêchés sur la place Pétrie n’ont évidemment pas abouti. Pas plus que les protestations des riverains qui ont fini par céder devant de très puissants tracteurs à chenilles «déterminés» à raser un lieu chargé d’histoire.
Pour «apaiser» la colère d’une population inconsolable, les autorités de Rabat, dont le maire, se seraient rendu lundi dernier sur place. Selon ces autorités, le marché des fleurs, situé en face de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), serait transféré vers le parking se trouvant à proximité du théâtre national Mohammed V. Mais cela reste fort probable, sachant bien que les fleuristes délogés auront reçu une cagnotte de l’ordre de 55.000 dirhams chacun.
Un dédommagement qui n’est pas pour réparer un préjudice plutôt psychologique, parce que la démolition du marché des fleurs revient à détruire une quarantaine d’années d’histoire. Au-delà des fleuristes, l’endroit, qui a vu naître et grandir de grands artistes comme Vigon, représente pour les R’batis ou plus encore pour les visiteurs de Rabat un repère incontournable. Le marché des fleurs constituait le lieu par excellence des rendez-vous; c’est là que les beaux moments de la vie étaient scellés : fiançailles, mariages, anniversaires, etc. C’est là également que les familles des patients se rendaient pour s’approvisionner en bouquets de fleurs… Le marché des fleurs a ponctué les moments de joie et de peine dans la ville de Rabat. Avec sa destruction, c’est une part de la mémoire de cette ville qui s’en va. Cet acte destructif vient ainsi grossir la longue liste des chefs-d’œuvre historiques nationaux qui sont partis en fumée. «Un véritable crime contre la mémoire de notre peuple», commente Hassan Nafali. Pour le président de la Coalition marocaine des arts et de la culture, la destruction du marché des fleurs de Rabat rappelle cruellement celle du légendaire Théâtre municipal de Casablanca qui a vu se produire des sommités de l’art dramatique comme Jean Vilar.
On ne vous parlera pas de la défunte salle de cinéma «Vox» (boulevard Hassan 1er) qui a vu se produire, dans les années soixante, le groupe-phare de Nass El Ghiwane, les « Arènes » (boulevard d’Anfa) où s’était produite la star d’Orient Oum Keltoum, sans oublier l’état désastreux où se trouve actuellement le Théâtre Cervantes de Tanger. Pour Ahmed Massaïa, ex-directeur de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle, il est inadmissible que des lieux historiques comme le marché des fleurs soient rasés. Cet homme de culture ne comprend pas que des actes pareils soient commis dans le black-out total, sachant qu’aucune explication n’est fournie à la population pour justifier de tels actes. «Les citoyens doivent être au moins informés de ce qui peut arriver à leur cité», plaide-t-il.
Toujours est-il que ces plaidoyers tombent dans l’oreille d’un sourd. Dire, ajoute-t-il, avec quel mépris on traite un patrimoine national qui n’a pas de prix.

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