Demandez-lui son livre préféré. Hind Saâdidi ne jure que par « Ainsi parlait Zarathoustra » de Frederich Nietzsche. Elle veut bien s’identifier au personnage de ce philosophe, « Zara » qui incarne l’endurance, la patience, l’effort, l’exigence et la volonté de puissance. Hind Saâdidi dit avoir été transfigurée, après avoir lu ce livre. Calme, économe de paroles et de gestes, mais sous ces apparences il y a une volonté de fer? Il faut la voir jouer sur scène pour prendre la mesure de sa volonté, de son énergie, de sa combativité. Souvenez-vous de son personnage de barmaid accompagnant des soldats sur le champ d’honneur, dans la pièce « Ha Bnadem » adaptée par Mohamed Zouhir d’après la texte « Mann ist Mann » (Voici l’Homme) du dramaturge allemand Bertolt Brecht. On aurait dit un personnage qui lui a été taillé sur mesure, tellement elle était à l’aise dans ce personnage. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la comédienne a décroché pour ce rôle le prix de la meilleure interprétation féminine au Festival national de théâtre professionnel de Meknès. C’est ce personnage, considéré par l’artiste comme étant son meilleur, qui l’a propulsée sur le devant de la scène. « Ce personnage m’a permise de me faire un nom», se réjouit Saâdidi.
Mais comment Saâdidi est-elle arrivée à réaliser un tel succès ?
L’artiste n’a qu’un seul mot à la bouche : le travail. Si cette artiste n’a pas fait l’Isadac (Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle), elle a appris le théâtre sur le tas. Pour elle, « la meilleure école est celle de la vie». Et de retracer, d’un ton fier, son parcours de battante. Elle se souvient avec émotion de sa première rencontre en 1993, alors qu’elle était encore étudiante à la Faculté des lettres et des sciences humaines Ben M’Sik, avec deux metteurs français d’origine algérienne, en l’occurrence Ali et Abdou. En visite au Maroc, ces deux artistes ont monté un spectacle où elle décroche, aux côtés de Redouane Rechouk, le principal rôle. Il s’agit de la mémorable pièce « Hé… Pssst… Habibi », qui remportera le grand prix du 6ème Festival international de théâtre universitaire de Casablanca (Fituc). Le spectacle a reçu un accueil tel qu’il a été sollicité pour une tournée, au Maroc, en France, en Côte-d’Ivoire et au Bénin.
Un feed-back d’autant impressionnant qu’il s’agit de la première apparition de Saâdidi sur scène !
Et comme elle devait confirmer, Saâdidi enchaîne avec un autre rôle-type dans la pièce « Zanka 14» (Rue 14), qui a également fait une belle carrière au Maroc, aussi bien qu’en France. Et ce n’est pas tout… En 1997, Saâdidi rencontre à Casablanca le célèbre metteur en scène hollandais, de son nom Juré Timmers. L’idée de monter une pièce au Maroc voit le jour tout d’un coup. Et ce sera une « Love story » (Histoire d’amour). Après avoir fait un tabac au Maroc, le spectacle, dans lequel Saâdidi partage la vedette avec son compagnon de route Rechouk, part à la conquête d’autres pays. Entre autres, on peut citer les Pays-Bas et la Belgique. Rôdée et érodée par tant d’années de théâtre, Saâdidi était bien outillée pour ne pas briguer des rôles au cinéma. En 1998, elle tourne dans les films « Destin de femme » de Hakim Nouri et « Le goût de l’espoir » de Mostapha Derkaoui. Sur ce registre, Saâdidi conquiert une nouvelle catégorie de public : les cinéphiles.
Mais c’est à la télévision qu’elle a réussi à se faire le plus connaître. En 2000, elle tourne dans le téléfeuilleton « Dwayr z’man » de Farida Bourkia. Ce fut un succès. Ce téléfeuilleton a été fort prisé par les Marocains, au grand bonheur de Saâdidi qui dit être « fière d’y avoir participé ». En fait, ce téléfeuilleton a permis à l’actrice de se faire connaître de milliers de téléspectateurs. En temps si court, Saâdidi a réussi à braquer les projecteurs. Ce succès fulgurant, bien entendu, est le fruit d’un travail patient. « Le sérieux finit toujours par payer », dit-elle. Question goût, le théâtre reste la passion préférée de Saâdidi. « Au théâtre, mon rapport est direct avec le public », dit-elle en connaissance de cause. « C’est un passage obligé pour tout comédien qui veut faire carrière», explique-t-elle. Saâdidi y est toujours fidèle, et « je le resterai », se jure-t-elle. Pas plus tard qu’en début mai 2005, elle en a imposé par une brillante apparition dans la pièce « B’nat Mennana ». De cette pièce, adaptée d’après un texte de Federico Garcia Lorca, sur une mise en scène de Samia Akariou, Saâdidi parle avec émotion. Il s’agit d’un hommage au combat des femmes pour prendre leur destin en mains. Saâdidi s’en est acquittée à bon compte. Mais ce n’est pas fini, «l’essentiel étant dans le cheminement, pas dans l’aboutissement», précise-t-elle. On comprend donc pourquoi Saâdidi poursuit son combat avec la même verve.
Aujourd’hui, l’artiste se prépare à passer son examen pour décrocher un DESS en management culturel à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Mohammédia. Un nouveau cap qu’elle veut à tout prix franchir, son objectif étant de décrocher un poste dans une institution culturelle et, parallèlement à cela, poursuivre son activité artistique. Un choix compréhensible, d’autant plus que le métier d’art ne fait pas encore vivre au Maroc.