Culture

Reportage : Des soirées tétouanaises entre femmes

© D.R

Les femmes tétouanaises sont connues par leur amour pour la musique andalouse. La plupart d’entre elles ont poursuivi des cours au conservatoire de musique de Tétouan pour devenir des célèbres musiciennes de la ville. Elles ont été pendant longtemps des chanteuses et instrumentistes au sein de la chorale du conservatoire de musique de Tétouan, dirigé par les deux icônes de la musique arabo-andalouse Mohamed Larbi Temsamani et Abdessadek Chekara. Parmi ces musiciennes, on compte plusieurs noms tels Aléa Mjahid, Haja Fama Chhaba, Zohra Bettiwa, Menana Kharaz, Chem’s Dha, Lhaja Sili, Naziha Belechhab, Ouafae Laasri…. Elles sont devenues par la suite des chefs d’orchestre des groupes féminins de musique andalouse. Les habitants de la Colombe blanche font appel à elles pour animer leurs fêtes de mariage et d’autres fêtes de famille.
«Les Tétouanais demeurent toujours attachés aux traditions de leur région. Les soirées sont généralement non mixtes et célébrées en leur majorité par des ensembles féminins de musique andalouse. Nous faisons aussi appel à des photographes et cameramen femmes», explique Bouchra Chakara, présidente de l’Association Abdessadek Chekara pour la préservation de la musique arabo-andalouse et l’art populaire. Elle fait remarquer que «les femmes sont ainsi plus à l’aise de célébrer ces fêtes entre elles, même les femmes voilées ont droit à se faire belles et à assister à ces fêtes sans voile».
Selon les traditions tétouanaises, les fêtes de mariage sont célébrées par deux sortes de groupes féminins. «La première soirée Nbita (la soirée du henné) est animée par le groupe féminin de la Hadra récitant des chants invoquant Dieu et des louanges à la gloire du Prophète Sidna Mohammed. Les deux autres soirées dont la plus importante Dhour (la grande soirée) est animée par un groupe féminin de musique andalouse», précise Mme Chakara avant de poursuivre que «ces musiciennes entament habituellement cette grande soirée par le chant du Malhoun tels Bouchra Lana et Ya Chem’s Laachiya. Elles chantent par la suite des chansons classiques spécifiques de la ville de Tétouan comme Khaït hmar yasamïn et Rfaka malki baabdik. Ce répertoire de notre patrimoine local sera suivi par des chansons populaires entres autres Al Maoulouaa, Zaïn Al Ouadah, Ya bint bladi, Moulay Abdeslam et Ana fi aarak et terminent leurs prestations par leur interprétation des chants soufis», tout en soulignant que ces musiciennes fascinent aussi par leur interprétation des chansons tirées de l’art populaire algérien. Par ailleurs, la Colombe blanche compte une trentaine de groupes féminins de musique andalouse. Et chaque ensemble musical est composé d’une dizaine de personnes entre chanteuses et instrumentistes. Les instruments de musique utilisés par ces groupes sont le luth, le violon, le bendir, la darbouga, le tar et l’orgue.
Mais les plus sollicités, selon les Tétouanais, sont les groupes féminins réputés par leur interprétation des répertoires traditionnels de la musique andalouse et l’art populaire spécifique de la région du Nord. Les musiciennes s’y produisent en tenues traditionnelles de la ville de Tétouan dont le kaftan. Elles tiennent à porter les chedda ou sebnia dbhar pour représenter la Colombe blanche lors de leur participation à des événements nationaux et internationaux.
«Elles sont des invitées familières à des émissions de musique télévisées entre autres Naghmawatai et Chada Al Alhane. Et je trouve que les femmes chantent bien le Malhoun. C’est pourquoi moi et ma famille avons décidé que les deux chansons que notre défunt père Abdessadek Chekara nous a léguées soient chantées par une voie féminine», ajoute Mme Chakara.
La majorité des chefs d’orchestre de ces groupes féminins ont hérité cet art de leurs parents ou de leurs proches. Comme c’est le cas de la jeune Kahadija Aklouh qui a hérité son métier de chef d’orchestre de sa mère Lhaja La Rhimou Bakkali, ancienne maestro d’un orchestre tétouanais.
Elle était très férue de la musique andalouse. «J’aimais accompagner ma mère aux soirées qu’elle animait et j’étais très fascinée par cette ambiance festive et conviviale entre femmes. J’avais une oreille musicale et je retenais tout ce que j’entendais. C’est pourquoi j’ai décidé de poursuivre des cours au conservatoire de musique de Tétouan avant de créer avec ma sœur notre groupe de musique», confie Mlle Aklouh qui se dit très fière d’être parmi les musiciens qui «participent au renforcement de notre patrimoine musical local qui distingue Tétouan des autres villes. Pour cette raison, nous refusons d’interpréter des répertoires spécifiques à d’autres régions».
Ces groupes de musique sont généralement sollicités pour animer des fêtes de mariage ou d’autres événements dans d’autres villes du Maroc ou à l’étranger. Parmi ces groupes célèbres, celui de Fatiha El Hadri Badraï qui pratique cet art depuis d’une trentaine d’années.
Et comme la plupart des anciennes musiciennes, elle a appris le violon au conservatoire de musique de Tétouan. Elle a intégré très jeune le célèbre orchestre de la défunte Lalla Rachida El Hichou, où elle a appris des différents répertoires interprétés généralement par les groupes féminins de musique andalouse.
Elle a rejoint par la suite le groupe Lalla Kenza Chakour à sa création avant de monter son groupe féminin de musique andalouse en 1986. Mme Badraï dit aimer son métier et lui consacre tout son temps. «Il me permet de gagner bien ma vie et de voyager à l’étranger pour participer à des événements internationaux, tout en assouvissant ma passion pour la musique», révèle-t-elle fièrement.
Comme la plupart des ensembles féminins de musique andalouse, l’agenda du groupe de Mme Badraï est plein pendant les quatre mois de la haute saison, située entre juin et septembre «Je viens d’être contactée par des clients pour animer leurs fêtes qui auront lieu pendant la prochaine saison estivale 2008. Nous passons toute l’année à préparer notre agenda pour cette période de la haute saison», assure-t-elle.
A l’instar de ces groupes de la musique andalouse, les groupes féminins de la Hadra sont aussi très sollicités pendant la période estivale.
Outre fêtes de mariage ou autres fêtes de famille, ils animent les événements religieux et les lilats (soirées). Des chanteuses d’Al Madih sont invitées à célébrer la soirée entre femmes à l’occasion du Moussem de Zaouiya Lharakia. Meriem El Houssaïni et Bouchra Chakara qui sont respectivement petite-fille de Cheikh Lharak et fille de Abdessadak Chakara y participent comme les chefs d’orchestre.

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